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Charivari de la société contemporaine

L'informatique quantique : un véritable enjeu de société

22 Décembre 2013, 11:17am

Publié par samagace69

Une vue des calculateurs quantiques de D-Wave Systems au Canada. C'est sur l'un d'entre eux que des informaticiens comme Catherine McGeoch ont fait des tests, pour tenter de déterminer si l'on était bien en présence de calculateurs quantiques capables de battre les ordinateurs classiques. © Amherst College

Une vue des calculateurs quantiques de D-Wave Systems au Canada. C'est sur l'un d'entre eux que des informaticiens comme Catherine McGeoch ont fait des tests, pour tenter de déterminer si l'on était bien en présence de calculateurs quantiques capables de battre les ordinateurs classiques. © Amherst College

Il se prépare dans les laboratoires du monde entier un enjeu capital pour mettre au point le premier ordinateur quantique :

 

Qu'est ce que c'est que ce concept ?

L’informatique quantique est un domaine en émergence faisant appel à plusieurs spécialités:

physique, génie, chimie, informatique et mathématiques. L’objectif visé par cette intégration de connaissances est la réalisation d’un ordinateur quantique et l’utilisation d’un tel ordinateur pour effectuer certains calculs beaucoup plus rapidement qu’avec un ordinateur fonctionnant de manière classique. Cette accélération est rendue possible en tirant profit des phénomènes quantiques tels que les superpositions d’états, l’enchevêtrement et l’interférence Souvent évoqués comme le probable futur de l’informatique, les ordinateurs ou calculateurs quantiques sont des machines au fonctionnement complexe mais dont les qualités théoriques attirent aujourd’hui de larges investissements.

Mais alors qu’est-ce qui fait la différence entre un ordinateur quantique et un ordinateur actuels ? C’est simple, à peu près tout et notamment la base de la base de l’informatique tel que nous le connaissons : le bit.

Tout commence ici : tout système « intelligent » doit stocker des informations, faire des calculs. Et de la même manière que l’ADN des être vivants est codé sur quatre bases (A,T,G,C), les ordinateurs actuels utilisent un système binaire (0 ou 1).

Une unité d’information binaire, une case qui peut être soit 1 soit 0 est appelée un bit. Pour stocker un bit, tout un tas de méthodes existent utilisant les propriétés physiques des matériaux comme leur champ magnétique, leur charge etc.

Les ordinateurs quantiques eux, utilisent les qubits (quantum-bits) qui reflètent les propriétés quantiques de la matière. La physique quantique nous dit en effet qu’une particule élémentaire passe d’un état énergétique à un autre en faisant des « sauts quantiques » et pas de manière continue, des sortes de 0 et 1, donc.

Seulement voilà, l’état quantique d’un qubit ne peut être connu qu’en l’observant, avant son observation il est à la fois 0 et 1 en même temps avec une certaine probabilité α d’être 0 et β d’être 1 (avec α + β = 1). Les états 0 et 1 sont donc superposés.

Du coup, évidemment, l’algorithmique utilisée est très différente puisqu’il s’agit de trouver des propriétés mathématiques qui font qu’en entrant un certain nombre de qubits et en leur appliquant certaines transformations on puisse à la fin en observant l’état réel des qubits (0 ou 1) déduire la réponse « calculée » pour une question.

Cette réponse sera le résultat de la superposition des états les plus probables des qubits, ce qui donnera la bonne réponse avec une forte probabilité de succès mais pas complètement sure ! C’est donc un système probabiliste et non déterministe.

 

La puissance de calcul exponentielle

La principale raison pour utiliser les qubits plutôt que les bits normaux vient du fait que la puissance de calcul théorique d’un ordinateur quantique augmente exponentiellement avec le nombre de qubits pris en compte.

Pour comprendre cela, il faut bien réaliser qu’un algorithme quantique n’utilise pas l’état observé d’un ou plusieurs qubits mais bien la superposition de leurs états possibles pour faire ses calculs. Donc un processeur à 2 qubits permet d’effectuer des calculs simultanés sur les 4 états superposés, un processeur à 10 qubits 1024 états superposés et ainsi de suite (2  puissance n qubits).

Grâce à cette propriété, si des ordinateurs quantiques à plusieurs centaines de qubits étaient réalisés ils pourraient simuler des problèmes actuellement complètement hors de portée comme la vie d’une cellule atome par atome ou même l’état de l’univers.

Le but est d’étudier les apports de l’informatique quantique dans la résolution de problèmes NP-difficile.

Un exemple type d’un problème NP-complet (un sous-ensemble des problèmes NP-difficile) est celui du voyageur de commerce qui doit visiter plusieurs villes qui sont séparées par des distances données et qui doit déterminer quel est le chemin optimal pour parcourir la plus courte distance possible.

 

Un calculateur pour Google et la Nasa avec 512 qubits

 

Or, depuis des années, la société canadienne D-Wave Systems prétend avoir contourné l'obstacle de la décohérence, au moins dans certaines situations. Elle affirme avoir réussi à construire un calculateur quantique (donc pas encore un vrai ordinateur programmable) utilisant 128 qubits. Malgré le scepticisme affiché de bon nombre de spécialistes du calcul quantique comme Scott Aaronson, D-Wave Systems était parvenue à vendre son calculateur quantique à la célèbre société Lockheed Martin pour dix millions de dollars en 2011.

Le calculateur de la société, D-Wave One, était censé se limiter à mettre en pratique une méthode de calcul d'optimisation largement utilisée pour résoudre divers problèmes, une version quantique des algorithmes dits de recuit simulé (simulated annealing en anglais). Mais depuis 2011, rien n'était vraiment venu contredire les doutes de la communauté scientifique. On comprend donc que l'annonce récente de Google, impliquant la Nasa, ait fait l'effet d'une véritable bombe. On vient d'apprendre en effet que le Ames Research Center de la Nasa, en partenariat avec la USRA (Universities Space Research Association) va accueillir le Quantum Artificial Intelligence Lab de Google.

Le plus stupéfiant, c'est que le géant d'Internet a simultanément fait savoir que ce nouveau laboratoire accueillera le dernier calculateur quantique de D-Wave Systems. Le nouveau joujou que Google a acheté, nommé D-Wave Two, devrait toujours être capable d'utiliser l'intrication quantique pour résoudre des calculs de recuit simulé... mais cette fois avec environ 500 qubits !

Il s'agit d'un changement radical dans l'informatique et la puissance de calcul. Cet ordinateur peut résoudre des problèmes plus complexes que tous les ordinateurs dans toutes les fermes de serveurs de Google dans le monde entier. C'est grandiose !

L'affaire fait beaucoup de bruit, d'autant plus que D-Wave Systems a autorisé des experts reconnus à faire passer des tests de vitesse de calcul à "D-Wave Two". Les conclusions de Catherine McGeoch, professeure au Technology and Society (Computer Science) du Amherst College, ont en particulier été largement diffusées sur la toile. L'informaticienne et ses collègues ont annoncé qu'au moment où ils ont essayé "D-Wave Two", le calculateur quantique était bel et bien capable de résoudre des problèmes particuliers d'optimisation des milliers de fois plus vite que les ordinateurs et les algorithmes classiques de l'époque.

Une communication a été cependant acceptée sur le sujet par  un comité d'experts, pour une présentation le 15 mai 2013 à sa conférence annuelle sur l'informatique extrême.

Technology Review, revue du MIT, donne quelques précisions : le circuit de calcul quantique fonctionne à 0.02 Kelvin (le calculateur réclame une température cryogénique pour éviter toute décohérence en cours de calcul), et a été mis en compétition avec une simple station Lenovo 2.4GHz quad core Intel munie de 16 Gio de RAM. La machine est donnée comme comportant 439 qubits, ce qui est énorme : (s'il s'agissait d'un calculateur quantique général, ce qui n'est pas établi, il dépasserait largement les 300 qubits. Or un calculateur quantique général de 300 qubits permettrait selon David Deutsch de simuler - théoriquement - la formation de tout l'univers depuis le Big Bang). Le nombre de qubits utilisés pour la détection/correction d'erreur, s'il y en a, n'est cependant pas précisé. De même, D-Wave ne précise pas si son calculateur est général ou bien comporte des contraintes d'utilisation.

La situation ressemble curieusement à celles des ordinateurs en 1953 : machines onéreuses, demandant des conditions physiques délicates, de prix élevé, coûteux à programmer encore faute de spécialistes, de recul et de théorie, et dont personne ne sait encore vraiment évaluer le potentiel.

 

Conclusion :

Si cette machine existe vraiment , Google serait en position de force pour proposer une machine aux capacités extraordinaires : non seulement cette machine serait ,en théorie, en mesure de simuler un grand nombre d'évènements complexes comme la représentation de la réplication d'une protéine ou l'évolution du réchauffement climatique en tenant compte de toutes les variables nécessaires (saut informatique quantitatif) mais représenterait aussi un sauf qualitatif énorme dans le domaine de l'intelligence artificielle en appliquant un grand nombre de métaheuristiques  capables de résoudre des solutions optimales dans un environnement ouvert et complexe dans une situation réelle . Cette auto-organisation traite l’information et guide l’exploration en l’absence d’une autorité centrale: c’est une forme d’intelligence artificielle générale ( Une métaheuristique est une méthode d’optimisation globale qui est guidée dans sa stratégie de recherche par l’usage organisé d’une ou plusieurs règles empiriques, qui s’inspirent d’un quelque phénomène en le reproduisant synthétiquement).

Ce serait ni plus ni moins une révolution copernicienne dans le monde scientifique.

Assurément l'informatique quantique nous amènerait dans un nouveau monde complètement inconnu.

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H
Un projet très intéressant et révolutionnaire sûrement. On attend de voir ce que cela donnera alors ...
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