L'école, remède contre la crise de la société actuelle ?
Une page de notre histoire humaine est en train de se fermer avec la crise aigüe que l'on connaît pour s'ouvrir sur un avenir inédit et singulier. La numérisation de la vie économique et sociale prend de l'amplitude ainsi que la mondialisation qui mettent en concurrence directe les structures collectives entre elles. Il est souvent constaté qu'en temps de crise les sociétés humaines ont plutôt des sursauts de solidarité entre les membres qui la constituent.
Mais non, cette dernière, mondialisée, a la tendance fâcheuse d'exacerber les tensions via la compétition entre les individus , les couches sociales et les institutions qui la compose selon une idéologie bien rodée.
Pourtant un vrai débat de société sur cette révolution numérique naissante vaut la peine d'être évoquée car cette dernière va radicalement changer notre manière de vivre. En France , quelques grands philosophes comme Bernard STIEGLER, Michel SERRES ou Pierre LEVY proposent des débats de fond sur l'extension grandissante du cyberespace et ses profondes implications sociétales et ethnologiques. Les conséquences de ce mouvement sont si radicales qu'établir un programme scolaire pour préparer nos enfants à leur future citoyenneté relève de la gageure. D'autre part, la culture numérique à l'école ne va pas de soi à cause de sa structure hiérarchique verticale et de son énorme inertie institutionnelle.
A l'heure où la remise en cause de la transmission du Savoir se pose avec l'irruption de nouveaux outils technologiques (l'ordinateur et ses avatars ) et avec pour corollaire la numérisation du monde des connaissances, les propositions autour de nouveaux types de pédagogies se bousculent. Au niveau des moyens , on évoque l'utilisation d'interfaces inédites comme le passage aux médias sociaux, aux MOOC (Massive Open Online Course ) ou aux "serious games" . Cependant, les interrogations restent nombreuses quand au contenu et à la pertinence des programmes scolaires ; Faut-il imposer un socle commun de connaissances dans le cursus scolaire ou bien personnaliser la transmission du savoir en fonction des habiletés individuelles de chaque élève ?
Toutefois, le phénomène semble bien plus profond que cela : le passage à la digitalisation de notre société dans les deux décennies à venir va automatiser un certain nombre de processus ; des processus physiques avec la présence grandissante de la robotisation mais aussi des processus cognitifs : le spectre du traitement automatique de décisions rationnelles et les représentations des connaissances afférentes sera de plus en plus large et consensuel. Nous en ressentons déjà les conséquences avec l'apparition du Big Data qui permet une analyse fine de flots invraisemblables d'informations diverses et parfois contradictoires.
Cette "externalisation" de pans entiers de processus cognitifs aura bien sûr des conséquences importantes dans la vie sociale de demain. Bientôt, nous n'aurons plus besoin de "réfléchir" pour toute une gamme de problèmes de la vie quotidienne. Et déjà les dangers potentiels de cette révolution numérique peuvent être pressenties quand l'homme risque de se dissoudre dans une sorte d'économie libidinale primaire qui n'a plus besoin d'exprimer un désir vital, toujours devancée par une orchestration sophistiquée de la machine publicitaire.
Pour ne pas tomber dans cet écueil, il va bien falloir promouvoir une économie ouverte participative et non marchande offrant une plateforme alternative à l'économie libérale, sans quoi la dissolution de la société est certaine. L'économie libérale sous sa forme actuelle est une économie prédatrice dont les conséquences écologiques sont patentes . Elle est également aveugle en ce sens qu'elle ne constitue pas une intelligence collective globale, incapable d'anticiper les dangers de longs termes. Elle contient en elle les germes d'une contradiction fondamentale, à savoir qu'elle a besoin d'une extension infinie du marché de masse de consommateurs dans un monde fini en ressources ; Par conséquent, ne trouvant plus de débouchés supplémentaires, cette économie basée sur la performance individuelle et les gains de productivité risque de se cannibaliser elle-même en exerçant une pression insupportable sur les divers hiatus inégalitaires de groupes sociaux mondiaux qu'ils soient matériels ou culturels.
Dans cette perspective , le travail de socialisation des enfants en devenir, à travers diverses activités sportives et culturelles, est fondamental pour maintenir une société cohésive et efficiente.
La notion de compétitivité si souvent mise en exergue dans certaines écoles doit être revisitée à la lumière des dernières recherches cognitives sur l'empathie afin de revoir les qualités futures désormais demandées, basées sur la coopération, pour une meilleure adaptation dans une société en pleine mutation. Cette société de demain reflétera une structure sociale horizontale à l'intérieur de laquelle les systèmes d'organisations deviendront plus souples et plus collaboratifs.
Enfin, de récents travaux sur l'histoire du développement de l'intelligence des hommes reposent sur la révélation d'une acquisition essentielle de l'altérité humaine. Ainsi l'humanité peut continuer à évoluer vers des strates plus évoluées par la recherche et la compréhension de l'Autre. Toute activité participative basée sur l'empathie et la collaboration active entre les élèves (Arts, jeux collectifs etc..) favorisent l'épanouissement intellectuel et artistique d'une jeunesse plus libre et heureuse.
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