Regard croisé de la théorie de Marx et de l'évolution de la société contemporaine.
Introduction :
Il serait bien entendu prétentieux de faire parler Karl Marx à sa place mais en revisitant certains de ses concepts et théories , il serait intéressant de faire une analyse de notre société à travers l'analyse matérialiste de l'histoire qui reste un outil puissant théorique de prospective analytique.
Un modèle de prévision historique
Par cette analyse, Karl Marx à la fin de son premier livre "Capital" (1867), a prévu une tendance historique de l'accumulation capitaliste : L’évolution du capital va dans le sens de sa concentration, et de sa mondialisation, entraînant « l'entrelacement de tous les peuples dans le réseau du marché universel ». Au terme du développement du capitalisme « le monopole du capital devient une entrave », le mode de production doit changer et la propriété capitaliste devenir propriété sociale. Le capitalisme s’est constitué par « l'expropriation de la masse par quelques usurpateurs », sa chute sera « l'expropriation de quelques usurpateurs par la masse ».
Ces termes prophétiques nous font évidemment penser à la financiarisation mondiale sans cesse grandissante des activités humaines et à la constitution de grands monopoles de firmes multinationales.
Les principales notions marxistes ;
" l'Histoire est avant tout la transformation de la Nature par le travail de l'homme qui, en retour, transforme l'homme lui-même (praxis)"
En effet , l'irruption des innovations bouleverse le mode de vie de l'homme mais aussi son regard sur le monde.
"Au cours de l'Histoire, les progrès techniques permettent d'accroître la production. Après un certain temps, un conflit naît au sein de la société, où les rapports sociaux changent: la classe sociale qui détient les nouvelles techniques prend de l'importance sur la classe sociale dominante, fondée sur l'ancien modèle de production. Exemple: du système féodal où le suzerain possédait les terres et ceux qui la travaillaient, et le rôle du clergé sur la société, on est passé à une société dominée par la bourgeoisie au cours de la révolution industrielle du XVIII e siècle".
Ainsi, selon Marx, est née une nouvelle forme de l'économie : le capitalisme, qui suppose une nouvelle forme de propriété privée, garantie par une institution juridique nouvelle.
Marx, dans son œuvre, a résumé l'histoire humaine en 4 étapes (la cinquième à venir étant, selon lui, la période socialiste), correspondant à des techniques et des modes de production différents :
- la communauté primitive
- la société esclavagiste (la société Romaine)
- le régime féodal
- le régime capitaliste
Marx pense que le sens de l'Histoire est à terme inéluctable, et qu'elle aboutit toujours à cette troisième étape, critique, de restructuration sociale. Les rapports de production finissent tôt ou tard par être contestés, par ne plus être adaptés au développement, par être insupportables pour une part importante de la population : les structures de la société, qui paraissaient immuables, doivent alors changer."
Pertinence de la théorie de Marx
Il me semble que cette grille d'analyse est toujours valable . Il n'en résulte pas forcément à la solution forcée du passage au communisme ou régime socialiste qui n'a pas plus résolue le fond du problème : le socialisme d'Etat crée ex-nihilo en U.RS.S a créé une autre forme de classe dominante, une nomenklatura soviétique composée d'apparatchiks voulant imposer un contrôle strict sur la population au nom d'une égalité totalitaire. Cet état de fait mérite sans doute d'être nuancé et ne tient pas comte de l'histoire passé du régime tsariste de l'ancienne Russie mais c'est entreprendre un autre débat sur l'histoire du socialisme soviétique.
En revenant sur l'évolution des sociétés, Marx avance la théorie de la lutte des classes : Toutes les sociétés sont composées de classes sociales en opposition constante et que cette opposition constitue en fait le moteur de l'histoire.
Parfois j'entend dire qu'il n'existe plus de masses de prolétariat comme auparavant dans les usines. Cependant il serait tout à fait réducteur d'assimiler le prolétariat à la masse ouvrière.
Quelle est la définition du prolétaire ? c'est un individu qui ne possède que sa seule force de travail et pas les moyens de la production. Cela représente encore aujourd'hui l'immense majorité des travailleurs de notre société actuelle.
L’idée que la société n’est pas homogène, mais que ses membres ont des aspirations divergentes, et parfois contradictoires, n’est pas nouvelle. Mais Marx a pour la première fois avancé l’idée que les oppositions entre ces différentes classes sociales constituent le fil conducteur qui permet de comprendre la succession des sociétés et des périodes historiques. La théorie de la lutte des classes avance qu'exceptées les communautés primitives, toutes les sociétés sont composées de classes (homme libre et esclave, patricien et plébéien, seigneur et serf, patrons et ouvriers) en opposition constante et que cette opposition est le moteur de l’histoire.
Marx étudie la manière dont la bourgeoisie moderne est née au sein même de la société féodale, a grandi jusqu’à représenter une force sociale qui est entrée en conflit avec l’ancienne classe dominante des nobles. Après avoir renversé le régime féodal, la bourgeoisie a bouleversé le monde, modifié les rapports sociaux, les valeurs, l’idéologie dominante, et développé les sciences et les techniques à un point inimaginable auparavant.
Toutefois, selon Marx, elle a également fait surgir une nouvelle classe sociale, le prolétariat moderne, c'est-à-dire la classe de tous ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre, et dont les intérêts entrent directement en conflit avec ceux de la bourgeoisie. Marx estime que de toutes les classes existantes dans la société moderne, seule la classe ouvrière est réellement capable de transformer la société.
Dans les faits , nous constatons qu'avec les effets de la productivité, cette classe ouvrière s'est amoindrie progressivement , ne représentant qu'une faible part du secteur secondaire dans les pays avancées. Ce prolétariat se retrouve maintenant dans le secteur tertiaire éparpillé dans les différent corps de métiers. Il n'est pas évident que celle-ci joue un rôle d'opposition à la classe dominante tant qu'elle joue le jeu de la consommation de masse , quitte à booster son niveau de vie via le recours aux crédits.
Ce principe de fonctionnement de luttes des classes s'est considérablement complexifié avec l'apparition de classes sociales toujours plus nombreuses par la spécialisation des métiers.
Tant que ces catégories sociales participent au système consumériste , il n'y aura pas de révolution au sens de soulèvement populaire.
D'autre part le chômage de masse n'est pas un phénomène nouveau puisque ce fléau prévalait à la fin du XIX siècle. Le drame du chômage est dans le fait que l'individu perd non seulement ses compétences et sa force de travail en échange d'argent pour , non pas pour sa survie , mais avant tout pour participer au système organisé du consumérisme. Son statut social et son sens existentiel peuvent en dépendre.
La classe des prolétaires n'est plus une catégorie pertinente pour analyser les enjeux de l'évolution sociétale pour les 2 raisons suivantes :
- Disparition progressive d'une classe "massive" de travailleurs homogène dû justement à l'hétérogénéité des corps de métiers
- Au sein de cette classe , il existe des ilots de prospérité grandissante dû à la rareté de compétences pointues (ex juristes, informaticiens, créateurs ,spécialistes etc.)
Quelles sont les tendances sociales de la société d'aujourd'hui ?
Nous migrons progressivement dans une société de l'information :un nombre croissant d'employés utilise leur force de travail dans un univers "dématérialisé". Le rapport du travailleur avec la transformation de la Nature disparaît pour laisser place au services rendus aux consommateurs. Pour autant les outils de travail changent considérablement
Un deuxième phénomène apparaît de manière concomitante : La classe moyenne issue du secteur tertiaire constituant la grande majorité de la population se paupérise à cause du nivellement des effets de la productivité et de la concurrence d'une population toujours croissante en situation de chômage.
A contrario , les spécialistes et les créateurs s'enrichissent très rapidement avec la capitalisation de leur savoir et la captation de la valeur ajoutée d'une idée nouvelle. Cependant il est possible que ce secteur connaisse une forte croissance grâce à des initiatives individuelles importantes.
Si cette disparité de richesses entre une minorité de nantis et une grande majorité de travailleurs précaires perdure, cela portera certainement des coups sévères sur la stabilité sociale et démocratique. Le thème d'un revenu minimal universel se pose de manière de plus en plus pressante : pour éviter que la société ne sombre dans le chaos permanent, un nouveau contrat social innovant doit être acceptable pour toutes les parties.
Revenu de minimum universel
Pourquoi devient il une urgence sociale ? -
Essentiellement pour limiter la corruption qui un coût social important. Qu'en est-il de ses causes et facteurs prédisposant ?
Évidemment, les causes varient d'un cas à l'autre, mais en général, les causes de la corruption peuvent être classées en deux grandes catégories : celles liées à la demande et celles liées à l'offre. Dans la première catégorie, elles englobent un éventail de facteurs socioéconomiques lugubres tels que la pauvreté, l'ignorance et un taux de chômage élevé. Dans certains cas, la corruption est favorisée par l'offre limitée de services publics, qui peut pousser les gens à recourir à des moyens détournés pour accéder à ces services : ils offrent des pots-de-vin aux responsables. Un autre facteur pourrait être la présence de fortes disparités de revenus entre les membres d'une même communauté.
L'impact dévastateur de la corruption
La principale conclusion ici est que la corruption a un impact dévastateur non seulement
sur le climat d'investissement, mais également sur la stabilité politique d'un pays. A cause de la corruption, les gouvernements sont devenus de plus en plus paranoïaques et que leur niveau de corruption ne fait qu’augmenter. Ils commencent à faire des compromis sur la démocratie car ils mettent en place des réformes qui, en réalité, n'en sont pas. Ils s'enfoncent de plus en plus profondément dans la corruption et cela ouvre la voie à des allégeances mesquines et à des rapports types de renvoi d'ascenseur dans la société. Avec ce type de récolte amère, on devrait s'attendre à ce que la corruption conduise finalement à l'agitation sociale et aux bouleversements politiques.
Histoire de l'allocation universelle.
Le concept d'une allocation universelle est défendue par des économistes et des philosophes appartenant à tous les bords politiques, des libertariens aux écologistes et aux socialistes. Cette idée est connue sous le nom de crédit social ou dividende social depuis 1920, par les travaux de Clifford Hugh Douglas, et soutenue par le « prix Nobel » d'économie Maurice Allais.
Le revenu de base est « défendu sous des appellations et pour des motifs divers par des universitaires et des militants, des hommes d’affaires et des syndicalistes, des formations politiques de droite et de gauche, des mouvements sociaux et des organisations non gouvernementales. Le revenu de base a bénéficié de l’appui d’étranges coalitions et suscité de féroces oppositions. » Elle est défendue aussi bien par des altermondialistes que par des libertariens.
Il convient également d'envisager le versement de tout ou partie de cette allocation en monnaie complémentaire locale. Cela permet en effet, d'une part, d'avoir moins de problème par rapport aux normes bancaires de création monétaire et, d'autre part, de ne pas entrainer de fuites trop importantes de devises hors du pays émetteur.
Il existe depuis 1980 la théorie de l’inoppression active qui ne consiste plus à garantir un revenu d’existence en créant de l’argent mais en faisant tourner plus vite une petite partie en fonctions des réalités de l’offre et de la demande réelle. Le principe est qu’ayant dépassé l’époque charnière de l’humanité, de l’époque du « manque » avant les années 1970 où l’on avait besoin de toute la population pour créer l’offre à l’ère de « pléthore » ou de l' « économie de l'abondance » d’après 1970 où ce sont désormais les machines qui travaillent de plus en plus à la place des humains, on peut « mécaniquement » garantir des capacités de consommer les produits des machines à tout le monde, avec une loi de finances en équilibre.
Sans trop trahir l'esprit de Marx , les catégories correspondants aux chômeurs et ceux qui se trouvent dans des emploies précaires sont les nouvelles forces contestataires de la classe dominante, classe des hyper-riches entre autre. Sans réel contre-pouvoirs sur les outils de productions comme jadis avec les organisation syndicales, ils expriment leur pouvoir de protestation en pesant sur les élections municipales , parlementaires ou présidentielle.
De nouvelles formes de contre-pouvoir
L'émergence des réseaux sociaux peuvent être également servir de levier de contestations populaires mais il n'y a pas a l'heure actuelle une réelle appropriation de ces outils parmi ces contestataires. Ceux sont encore des outils utilisés par la classe dirigeante , ceux qui font parti du "système". Cependant la puissance de communication virale de ces nouveaux médias est un outil de choix pour toute forme de contestation. Toute forme de catégorie sociale peut exprimer leur point de vue via ces nouveaux canaux de communication. De ce fait les medias sociaux représentent une plateforme idéale pour préparer une éventuelle revendication populaire d'envergure. C'est aussi une nouvelle voie intéressante pour la démocratie trop sclérosée par la surreprésentation de familles politiques de connivences établies de longue date. La réappropriation par la société civile des décisions de la vie politique ( étymologiquement polis vient du mot latin "cité") est aussi un impératif et un objectif de mutation de notre société.
Conclusion:
Si un certain nombre de concepts marxistes sont à remanier ou à étoffer à la lumière des récents développement de la société contemporaine , ce qu'aurait fait nul doute Marx lui-même, l'approche scientifique de l'analyse matérialiste de la lutte entre une classe sociale dominante d'une part et d'autres catégories sociales d'autre part, reste tout à fait pertinente car elle propose une vision à long terme sur l'évolution historique du capitalisme . Il en ressort que si le capitalisme doit survivre encore pendant un temps , des solutions solidaires immédiates doivent émerger pour résoudre le chômage et l'inégalité salariale croissante entre les nantis et les "working poors". Nous filons droit vers la société de l'information avec l'espoir de nouvelles formes de solidarité qui vont se mettre à jour sous peine d'une implosion généralisée d'une société devenue trop rigide.
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