il était une fois un automate.....
Nous allons voir avant tout que l'idée de fabriquer une machine à son image est forte ancienne et qu'elle hante l'esprit des hommes depuis l'apparition de la civilisation.
Histoire
Des automates anthropomorphes réalistes ont été construits par des artisans de toutes les civilisations, dont Yan Shi qui travaillait pour Ji Man, Héron d'Alexandrie, Al-Djazari et Wolfgang von Kempelen. Les plus vieux automates sont les statues sacrées d'ancienne Égypte et de Grèce antique. Les croyants étaient persuadés que les artisans avaient imprégné ces statues avec des esprits réels, capables de sagesse et d'émotion.
Les hommes mécaniques et les êtres artificiels sont présents dans la mythologie grecque, ainsi les robots dorés d'Héphaïstos et Pygmalion et Galatée, tandis qu'au Moyen Âge, circulent des rumeurs de secrets mystiques ou de techniques alchimiques pour imprégner des esprits, tels que le Takwin de Geber, les homoncules de Paracelse et le Golem de Maharal. Au XIX e siècle, l'idée d'hommes artificiels et de machines pensantes prend corps dans des œuvres de fiction, telles que Frankenstein de Mary Shelley ou encore R. U. R. (Rossum's Universal Robots) de Karel Čapek, et des essais de spéculation, comme "Darwin among the Machines" de Samuel Butler.
Hermès Trismégiste a écrit qu'« en découvrant la vraie nature des dieux, l'homme a été capable de le reproduire ». L'automate de Vaucanson du XVIII e siècle qui représente un canard est une mise en œuvre saisissante d'un être artificiel réalisant certaines fonctions du vivant. L’automate est d'abord exposé en 1744 au Palais-Royal. Il remporte un succès immédiat. La digestion de l'animal était le principal exploit. Le dispositif permettant de simuler la digestion et d’expulser une sorte de bouillie verte fait l’objet d’une controverse. Certains commentateurs estiment que cette bouillie verte n’était pas fabriquée à partir des aliments ingérés, mais préparée à l’avance. Ce point est soupçonné d'être une exagération de la part de Vaucanson, et Jean-Eugène Robert-Houdin, entre autres, le dénonce comme une mystification. Il reste possible que cette mystification n'ait eu lieu que pour les répliques du canard de Vaucanson, réalisées plus tard. Quel que soit le fonctionnement de cette digestion, le reste du mécanisme reste très complexe, les ailes étant par exemple reproduites os par os. Des témoignages attestent que les mouvements du canard étaient d'un « réalisme quasi naturaliste ».
Cet automate est acheté en 1840 par Georges Tiets, mécanicien, mais il brûle en 1879 lors de l'incendie du musée de Nijni Novgorod. Il n'en reste que quelques photographies du milieu du xixe siècle.
Une copie est actuellement visible au musée dauphinois à Grenoble.
Le turc joueur d'échec de Johann Wolfgang von Kempelen
Une marionnette enturbannée à la moustache turque aurait été actionnée par un mécanisme complexe, situé dans un coffre sous l'échiquier. En réalité, le mécanisme n'était qu'une illusion permettant de masquer la profondeur réelle du meuble. Celui-ci possédait un autre compartiment secret dans lequel un vrai joueur pouvait se glisser, et manipuler le mannequin sans être vu de quiconque. L'automate était alors capable de jouer une vraie partie d'échecs contre un adversaire humain. Grâce au talent de ses joueurs cachés, le Turc mécanique remporta la plupart des parties d'échecs auxquelles il participa en Europe et en Amérique durant près de 84 ans, y compris contre certains hommes d'état tels que Napoléon Bonaparte, Catherine II de Russie et Benjamin Franklin.
En 1770, le baron Wolgang von Kempelen (ingénieur autrichien) a présenté en Europe l'automate joueur d'échecs :Le Turc jouait bien et mit un jour Napoléon hors de lui en le battant en 20 coups!!
Le musicien bavarois Johann Maelze a racheté le Turc à la mort de Kempelen en 1804 et l'a exhibé dans de nombreuses expositions et foires . Edgar Poe aurait déjoué la supercherie : un bon joueur sous l'échiquier qui par un jeu de miroir, observait les pièces et contrôlait les mouvements de l'automate. Conservé dans un Musée de Philadelphie, il a disparu dans un incendie en 1854.
Créations divines pour les grecs
La fonction de ces créations animées est évidente : auxiliaires des dieux, qui les ont parfois transmises aux hommes, elles ont été créées pour effectuer une tâche précise (rôle de gardien par exemple pour les chiens et Talos) qu’elles peuvent accomplir avec une perfection qui les rapproche des puissances divines. Elles partagent d’ailleurs avec ces dernières, par les métaux qui les composent (or, argent ou bronze), une immortalité de fait ou du moins une résistance particulièrement redoutable.
Dans une société divine où les Olympiens ne sont supposés connaître ni peine ni contrainte, ces créatures artificielles remplacent en quelque sorte les esclaves des sociétés humaines en se chargeant des travaux les plus répétitifs et les plus pénibles, des tâches les plus rébarbatives : les portes s’ouvrent d’elles-mêmes, les trépieds se rendent de leur propre mouvement au banquet des Olympiens, des servantes assistent Héphaïstos. Elles rendent ainsi possible cette existence idyllique que décrit Hésiode dans son évocation de la race d’or, du « temps de Kronos », période durant laquelle la première race humaine vivait dans la communauté des dieux et menait, à leur exemple, « une vie préservée de souffrances, loin à l’écart des malheurs et des peines ».
En ce temps-là, les travaux agricoles ne demandaient pas de grands efforts, car les productions se développaient spontanément, sans travail : c’est « d’elle-même » (automatê) que « la terre qui donne la vie . tendait ses fruits abondants » (v. 117-118; cf. Platon, Politique, 271d-272b).
De ce point de vue, la description des servantes d’Héphaïstos est particulièrement significative : jeunes, en or, elles incarnent parfaitement la richesse, la beauté, la force, la vitalité de cet âge d’or révolu pour les humains. Et lorsque Aristote, dans un passage célèbre de la Politique, mentionne les créations d’Héphaïstos, il fait tout autant référence à ce passé qu’il imagine un monde où l’esclavage serait inutile :
« Si chaque instrument était capable, sur une simple injonction, ou même pressentant ce qu’on va lui demander, d’accomplir le travail qui lui est propre, comme on le raconte des statues de Dédale ou des trépieds d’Héphaïstos, lesquels dit le poète : “Se rendaient d’eux-mêmes à l’assemblée des dieux”, si, de la même manière, les navettes tissaient d’elles-mêmes, et les plectres pinçaient tout seuls la cithare, alors, ni les chefs d’artisans n’auraient besoin d’ouvriers, ni les maîtres d’esclaves. » (1, 4, 1253b33-1254a1, trad. J. Tricot, Vrin)
Le thème avait déjà été traité par les poètes comiques athéniens qui, en imaginant ce monde sans esclave, décrivent des ustensiles mobiles et répondant à la demande, effectuant d’eux-mêmes les tâches quotidiennes : « Chacun des meubles s’approchera à l’instant où on l’appellera; “présente-toi, table; toi, prépare-toi de toi-même. Pétris, mon petit sac de victuailles. Verse, coupe. Où est la coupe à boire ? Va te laver toi-même” »; ou bien encore, à la sortie du bain, les vases remplis de parfum, l’éponge, les sandales, s’avanceront d’eux-mêmes vers leur maître. Le monde de Kronos ne connaissant ni l’effort, ni la fatigue, il ne peut être conçu sans la présence d’instruments animés, d’automates, aptes à se substituer aux hommes ou aux dieux.
L'interprétation du mythe du robot
Les mythes traduisent les inquiétudes et les besoins latents d’une époque et donnent ainsi accès à sa compréhension globale et profonde.
Toute civilisation, à chaque étape de son développement, élit un mythe dominant qui réagit au modèle culturel en vigueur. Les mythes de Don Juan et de Prométhée incarnèrent l’imaginaire des XVIIe, XVIIIe puis XIXe siècles ; aujourd’hui le mythe du Golem – connu sous le nom de robot depuis 1920 – culmine dans la science-fiction occidentale, livres, films et jeux mêlés. Un homme fait une créature intelligente, la craint et cherche à la détruire quand elle se rebelle : ce récit connaît d’innombrables versions comme si notre temps, fasciné, y scrutait sa signification cachée. Le mythe du Golem-robot révèle une angoisse profonde concernant la nature et les fins de l’homme.
Plus près de notre temps, la création d’un personnage aussi infaillible que le Terminator est symptomatique de la virilisation des héros fabriqués par l’industrie hollywoodienne. Terminator résiste à tout, tue ses ennemis par dizaines et se montre peu loquace. Avec son blouson de cuir noir et sa moto, il semble réactiver de manière paroxystique et paradoxale le mythe du jeune rebelle violent, froid, hors-la-loi et peu bavard, incarné par Marlon Brando dans L’Equipée sauvage. De manière générale, le T-800 brasse tous les mythes cinématographiques américains, les renverse et les outrepasse dans une surenchère de violence et d’inhumanité. Il représente dans l'histoire cinématographique le symbole hyperbolique de la virilité masculine.
Le mythe ainsi révèle ainsi les propres démons et rêves de l'homme pour échapper à sa condition initiale mais qui lui donne aussitôt un sentiment de vertige et une peur de dissolution dans sa propre création.
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