L’Utopie dans l’Histoire humaine
Nous vivons à l’heure du capitalisme libéral décomplexé, régissant la société mondiale par des flux d’argent extrêmement rapides, dont le but affiché est de maximiser le bien-être de tous ceux qui participent au système.
A partir de ces postulats douteux et incomplets, reflets d’une idéologie dominante de la classe dirigeante depuis l’époque de l’apparition du protestantisme, l’économie s’est développée en tant que discipline universitaire « scientifique ». Elle est devenue si complexe qu’elle dépasse l’entendement de la plupart des béotiens que nous sommes et nous déléguons, de ce fait, ce domaine à un cercle restreint d’experts.
Les termes de rentabilité, de solvabilité, de retour sur investissement et tant d’autres notions techniques sont savamment diffusés parmi le grand public de sorte qu’il considère l’économie comme une technique certes complexe mais rigoureuse et logique.
Partant de ce principe, nous nous soumettons volontiers à ce système de valeurs, d’autant plus que notre existence sociale et matérielle est conditionnée à ses règles .Nous réclamons à cor et à cri le bénéfice de ce système addictif si bien que nous voulons y participer activement moyennant quelques contorsions psychologiques : Nous savons pertinemment que le système est bancal et non soutenable à terme et pourtant, par une sorte de myopie volontaire, nous décidons de le faire perdurer tant que notre situation personnelle reste relativement confortable.
Quel bref constat peut-on recueillir de l’état de notre société actuelle ?
Recul des acquis sociaux
Certaines valeurs humanistes et causes communes prennent du plomb dans l’aile depuis quelques dizaines d’années : Le partage des richesses produites se révèle progressivement dispendieux, tandis que le service public devient le symbole d’un secteur déficitaire sans fond pesant sur la collectivité nationale. Les bénéficiaires d’allocations versées par les diverses caisses régionales et nationales sont régulièrement remis en cause voire considérés comme des suspects de premier plan dans les dépenses de la collectivité dans son ensemble.
Il n’est donc pas étonnant qu’une défiance diffuse s’installe parmi les français à la recherche d’un éventuel bouc émissaire dans telle ou telle catégorie sociale. C’est dans ce contexte médiatique que la promotion d’une vie matérielle et sociale meilleure, encouragée dans des trajectoires individualistes et hédoniques improbables, fait fi de l’apport des bénéfices sociaux et de ses effets de socialisation.
Il est clair que les replis identitaires successifs ne facilitent pas les rassemblements populaires vers des causes communes, porteurs de valeurs universelles. En effet, il existe un émiettement de sentiments diffus et anxiogènes variables selon les catégories sociales, qui développent une conviction selon laquelle la dégradation de leur qualité et de leur niveau de vie s’effectue au profit d’une autre catégorie de la population qui « profite » du système. Au nom du « réalisme » économique, il devient impétueux de resserrer les dépenses des collectivités locales et étatiques.
Avec les bénéfices de la productivité continue dans le secteur industriel et des services, la part non-marchande de l’activité globale du pays, représentée notamment par les services publics et les associations, aurait dû croitre par rapport à l’activité marchande.
Or nous assistons au contraire à un retour sans précédent de l’activité marchande et concurrentielle, avec la privatisation de tout un pan d’activité relevant de la gratuité des services.
L’exclusion et la précarité traitées comme boucs émissaires
Ce retournement de situation expose une population grandissante à une précarité réelle ou redoutée, bien qu’elle conserve le maigre espoir de s’en sortir par ses propres moyens. L’Etat, sous la contrainte exercée par les institutions internationales ou par calcul, retire progressivement le filet régulateur des protections sociales qui établissait jadis une sérénité communautaire autour d’un consensus indiscutable.
Cette précarité nouvelle se déploie sous une apparente apathie générale teintée de peurs irraisonnées pour certains. Dès qu’elle devient si visible au point qu’elle ne peut plus être ignorée, la propagande des médias traditionnels justifie paradoxalement cette situation comme étant la cause des maux et non pas comme conséquence des dysfonctionnements de la société.
Perte de références sociétales pour la jeunesse
La notion même de « projet de société », tourné vers la jeunesse pour esquisser un avenir descriptible et enviable, est régulièrement supplantée par des exemples médiatiques de trajectoires singulières et hétéroclites d’individus attestant de leurs succès personnels, notamment dans le domaine de la réussite matérielle et de la reconnaissance sociale.
Il n’est pas étonnant dans ce contexte que notre jeunesse adopte des attitudes ambiguës où, d’un coté les jeunes d’aujourd’hui se soumettent volontiers à cet idéal de réussite individuelle et de l’autre se réfugient vers des paradis artificiels ou virtuels (drogues, jeux vidéo...etc). Etrangement une certaine passivité de leur part envers un engagement social se dégage sous différentes formes (fuite de la vie politique de la ville et du monde associatif au détriment de la virtualité numérique) tant la culture urbaine et les pratiques collectives sont constamment sous-exploitées au détriment de la compétition individuelle.
Une économie à bout de souffle dans un marché du travail morose.
En dépit des déréglementations sur le marché du travail (suite aux fameuses lois Macron), il est à fort à parier que la vague de fond du chômage va continuer à croître essentiellement pour les raisons suivantes :
1)L’alourdissement de l’impôt direct et indirect va réduire mécaniquement la consommation domestique et réduire l’activité économique des petites et moyennes entreprises.
2)La réduction des dépenses de l’état et des collectivités territoriales accentue les tensions sur le marché du travail.
3)Le recul de l’âge de la retraite endigue les possibilités d’offres d’emplois pour les jeunes travailleurs.
4)Les effets de la productivité lié à la « révolution digitale » sont tels que certains cabinets d’expertise pronostiquent une véritable hémorragie dans les fonctions administratives des entreprises.
5)La croissance mondiale devrait être très modérée dans les deux prochaines années selon les projections du FMI.
D’autre part les mécanismes du crédit à la consommation ont atteint un seuil de maturation suffisant pour ne plus espérer un sursaut de ce secteur dans un avenir prochain.
Les éléments constitutifs d’une logique de guerre.
C’est dans cette impasse économique et morale que la tentation peut être forte, pour le gouvernement en place, d’établir des mesures extrémistes, plébiscitées par une partie de l’opinion publique dominante. Privés de perspectives à plus ou moins long termes, les citoyens peuvent être plus facilement enclins à accepter, par lassitude ou par désespoir, des solutions radicales et simplistes prises afin de redonner une dynamique sociale à la nation, fussent t’elles basées sur de mauvaises raisons. A ce titre, il existe des similitudes troublantes avec celles des années 30 où les pays européens de l’époque traversaient une crise économique et morale sans précédent. Les boucs émissaires se multipliaient à l’envie pour cacher l’impuissance et l’incurabilité des gouvernements en place.
Nécessité de faire place à l’Utopie dans l’inconscient collectif.
Pour redonner une dynamique positive à l’esprit collectif en tant que choix alternatif à l’autodestruction des peuples, il y a toujours eu une nécessité de reformuler un nouveau contrat social cohérent et universel bénéfique pour le plus grand nombre.
Il existe quelques exemples remarquables dans l’Histoire:
Constantin le Grand (280 - 337) Le premier empereur chrétien
Constantin 1er, issu d'une lignée de militaires de fortune, apparaît comme le plus important des empereurs romains, César et Auguste mis à part.
Trois siècles après eux, il a donné une nouvelle jeunesse à l'empire tout en le réorientant vers une religion nouvelle, le christianisme, et en faisant basculer son centre de gravité vers l'Orient de langue et de cultures grecques. Renonçant à la politique de persécution de ses prédécesseurs, l'empereur prend le parti de s'appuyer sur la nouvelle religion pour consolider l'unité de l'empire. Le 13 juin 313, de concert avec son homologue d'Orient, Licinius, il publie à Milan un édit de tolérance qui lui rallie les chrétiens
La révolution de 1789
La Révolution nous a légué la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui proclame l'égalité des citoyens devant la loi, les libertés fondamentales et la souveraineté de la Nation, apte à se gouverner au travers de représentants élus. Elle est restée un objet de débats ainsi qu'une référence à la fois positive et négative, en France comme dans le monde, créant des divisions durables par exemple entre les partisans de l'intervention étatique en économie et les défenseurs du libéralisme ou bien entre les anticléricaux et l'Église catholique. En revanche, le caractère universel des idéaux de la Révolution française (« liberté, égalité, fraternité ») s'est imposé au point qu'il est d'usage de faire coïncider l'événement avec le concept de modernité.
La révolution de 1848
Présents à Paris au milieu des années 1840, Karl Marx et Friedrich Engels y fréquentent les milieux activistes. Mais en 1845, à la demande du gouvernement prussien, ils en sont chassés et s'installent à Bruxelles, où ils écrivent le Manifeste du Parti communiste. Ce mouvement, qui mène de l'abolition de la monarchie à celle de la république, exercera une influence d'autant plus notoire sur sa pensée que l'intervalle entre les deux moments aura été bref.
Du Contrat Social
Mais le texte fondateur pour formuler une espérance et paix sociale est sans aucun doute « Du Contrat Social ou Principes du droit politique », un ouvrage de philosophie politique pensé et écrit par Jean-Jacques Rousseau, publié en 1762. L'œuvre a constitué un tournant décisif pour la modernité et s'est imposée comme un des textes majeurs de la philosophie politique, en affirmant le principe de souveraineté du peuple appuyé sur les notions de liberté, d'égalité, et de volonté générale.
Le contrat social est nécessaire, selon Rousseau, lorsque les besoins de chacun sont supérieurs à ce que chaque homme peut faire pour y subvenir par lui-même. Pour survivre il leur faut alors s’unir et « agir de concert ».
L’essence du pacte social est résumée ainsi : « Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout ». Ceci a plusieurs conséquences:
L’engagement est total et identique pour tous ;
Chacun n’a aucun intérêt à le rendre injuste car, cette injustice, le concernerait directement ;
« Enfin, chacun se donnant à tous ne se donne à personne ».
Conclusion :
Avant que la mécanique des rancœurs et des haines finisse par engloutir les peuples entre eux, il est désormais inévitable de se projeter dans de nouvelles utopies collectives afin de proposer un nouveau contrat social qui garantisse la dignité des peuples et les valeurs essentielles qu’elles portent en elles pour préserver leur environnement naturel et culturel. Les initiatives et les innovations sociales créées individuellement devraient faire l’objet d’une synthèse rigoureuse afin de garantir la paix entre les peuples dans un cadre culturel et naturel respectueux.
C’est préalablement en esquissant ces utopies au grand jour puis en les appliquant que l’opinion publique pourra sortir de l’apathie et du fatalisme ambiant dans un nouvel engagement populaire et une ferveur retrouvée. Nous ne pouvons pas nous résigner à subir un système financier totalitaire et féodal sans y laisser notre dignité. C’est aussi faire acte de résistance que d’imaginer des solutions alternatives viables pour tous.
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