L’ère posthumaniste en pleine mutation
La recherche prospectiviste est un exercice délicat mais en confrontant les tendances lourdes avec la capacité de détecter les signaux faibles qui modifieront l’évolution de l’humanité, nous pouvons anticiper un peu les grands mouvements synthétiques qui vont s’opérer dans les décennies à venir. J’ajouterai une hypothèse de départ qui propose un début de cohérence historique sur une période qui s’annonce pour le moins chaotique.
Il est difficile de ne pas évoquer un avenir dystopique qui serait une anticipation du mouvement rationnel de l'Histoire des Hommes et des Techniques : ces caractéristiques rapprochent naturellement le projet dystopique de la science-fiction. C'est pourquoi la dystopie est souvent considérée comme un sous-genre de la science-fiction. Les deux genres se distinguent néanmoins dans leur traitement de la science et de l’histoire des techniques.
Nous allons franchir une des périodes les plus périlleuses de notre Histoire en nous confrontant à des cycles dynamiques de plus en plus rapides ; le péril écologique, la décomposition sociale pour l’immense majorité des citoyens et une économie réduite mais de plus en plus brutale dans son mode opératoire risquent de constituer le paysage social de demain.
Des synergies sociales et technologiques peuvent atténuer ici et là la dégradation de vie pour les plus aisées d’entre nous mais aux prix de grands sacrifices marqués par la fin des idéaux humanistes qui constituait une certaine unité entre les hommes depuis le XVI siècle.
Le péril écologique
L’avenir nous préoccupe d’autant plus que nous avons des enfants qu’on voudrait voir vivre correctement ou tout au moins leur garder une certaine humanité dans une forme de postérité éternelle.
Malheureusement, à l’aune des résultats scientifiques sur l’état de notre planète, que ce soit en matière de biodiversité ou de l’évolution du climat, non seulement notre civilisation « risque » de s’effondrer mais l’histoire de l’espèce humaine peut arriver à son terme à brève échéance.
En effet, si les émissions de gaz à effet de serre suivent les trajectoires actuelles, plusieurs modèles du système Terre prévoient que les transformations provoquées par le changement climatique dans les biomes terrestres et l'écosystème marin seront bien plus importantes que celles prévues par les évaluations précédentes ». Comme dans le domaine de la prospective climatique, les experts en biodiversité craignent ne pouvoir que proposer des mesures d'atténuation et d'adaptation. Selon le « 3éme rapport technique du GIEC pour les perspectives mondiales de la diversité biologique », « le risque de perte catastrophique de biodiversité à la suite des interactions entre deux facteurs ou plus, tel que le dépérissement de la forêt amazonienne lié aux interactions entre la déforestation et le changement climatique, a été largement sous-estimé lors des évaluations précédentes
« Les projections des impacts des changements globaux sur la biodiversité montrent que la tendance actuelle se poursuit. Dans bien des cas, elles montrent également une accélération des extinctions d'espèces, de la perte des habitats naturels et des changements dans la distribution et l’abondance des espèces et des biomes tout au long du XXI e siècle », avec une aggravation probable du changement climatique et de l’eutrophisation qui vont synergiquement « considérablement altérer la distribution et l’abondance des espèces, des groupes d’espèces et des biomes » en aggravant les risques d'extinction d'espèces, de recul de la toundra et des forêts tropicales , l’Amazonie en particulier, et de dégradation écosystémique. Les changements d'occupation des sols, la surexploitation des ressources marines (surpêche) et forestières tropicales, la variation des débits et qualité des cours d'eau, l'artificialisation et la fragmentation des milieux devraient continuer à encore dégrader
En fait, certains scientifiques sont plus pessimistes encore ; l’Homme ne pourrait plus survivre dans un monde fortement hostile sur le plan climatique et très fortement dégradée d’un point de vue environnemental d’ici un siècle ou deux. Actuellement des travaux sont entrepris par des spécialistes des mécanismes d’effondrement de sociétés donnant lieu à une nouvelle branche d’étude , la collapsologie.(Le mot « collapsologie » est un néologisme inventé par Pablo Servigne et Raphaël Stevens composé du mot « collapse », du latin collapsus, « qui est tombé en un seul bloc » (à l’origine du verbe to collapse en anglais, « s’ébouler, s’effondrer, s’écrouler ») et du suffixe « -logie », logos, « la parole », formant généralement le nom d’une science, de l’étude scientifique d’un sujet).
Si le dénouement de cette catastrophe n’est pas absolument certain, la probabilité qu’un tel phénomène puisse se produire est, disons le, très élevée.
Quelle est donc cette hypothèse qui peut s’inscrire dans l’évolution de notre société thermo-industrielle vieillissante et inadaptée ?
Si on prend un peu de recul sur nos valeurs et nos convictions anthropocentriques, on peut admettre le fait que l’évolution du vivant n’a pas besoin de l’Homme en tant qu’espèce pour continuer son histoire. Jusque là rien de très original, c’est une thèse assez largement répandue, en particulier pour ceux convaincus par les théories de Darwin. On pourrait même dire, par la suite, que l’Homme est une sorte de bifurcation particulière de l’évolution du monde vivant qui finalement, bien qu’identifiée comme une espèce dominante très adaptable à court terme, ne donne pas une longévité durable à long terme.
On pourrait s’en tenir au fait que l’apparition de l’Humanité, malgré son génie à élaborer des outils complexes pour sa survie, n’est qu’un parcours « accidentel », une sorte de point d’essai non concluant faisant partie de la Grande Roue de l’Evolution.
Cependant, on pourrait aussi bien postuler au départ l’hypothèse suivante :
Les structures étatiques et économiques actuelles peuvent être considérées comme des superstructures vivantes, ayant leurs propres autonomies et des mécanismes de régulation indépendantes de la volonté individuelle ou collective, bien que sous tendues par l’activité humaine. Il faut considérer, dans ce cas, les hommes comme des éléments constitutifs de ces structures parmi d’autres au même titre que le capital énergétique, le stock de matières premières et le capital informationnel contribuant à la formation de ces superstructures. De facto, « le capital humain » devient une variable d’ajustement au même titre que les autres ressources. La grande entreprise reste une entité imperméable aux considérations d’éthique sociale puisqu’elle n’a qu’un but : maximiser ses profits à plus ou moins long terme selon le contexte concurrentiel dans laquelle elle se trouve, si possible en minimisant ses coûts fixes et variables surtout dans les moments de transition énergétique.
Si cette perspective peut sembler choquante ou caricaturale, deux exemples illustrent ce propos :
Un chef d’entreprise d’une multinationale raisonne de la même manière qu’un homme d’état ; par des concepts d’agrégations où le profit, le revenu interne par pays s’imposent devant des considérations individuelles ou même collectives. Le P.N.B ou P.I.B importe plus que le bien-être d’un peuple au nom de la puissance étatique. Certes, dans certains états démocratiques, ce point n’est pas toujours appliqué mais dés que le pays atteint une taille critique, la puissance publique incarnée par la performance économique reste un objectif étatique s’appliquant au delà de la diversité des intérêts de la population.
Dans cet univers économique d’inspiration néolibérale, très destructeur sur le plan environnemental, les acteurs de ce système sont appelés à s’adapter rapidement dans un contexte de déplétion énergétique et matérielle.
Quel seront les acteurs de demain qui s’en sortiront le mieux dans un tel environnement socio-économique de plus en plus hostile pour l’humain ?
Il est probable qu’il y aura des tentatives d’accaparement des ressources minières et énergétiques en raréfaction par les grandes puissances en place, à savoir les Etats-Unis, La Chine et
D’autre part, bien que ne bénéficiant pas des mêmes conditions d’ouverture et d’abondance du marché, les entreprises les plus agiles et les plus avisées, dépendant plus faiblement que les autres des produits énergétiques et des matières premières devraient se développer à grande vitesse. La raison est que, dans le contexte d’un monde très concurrentiel, le numérique et les techniques d’intelligence artificielle sont deux atouts incontournables pour conserver une influence mondiale par sa vitesse de prise de décision et sa capacité d’adaptation aux aléas politiques et climatiques.
Demain, on assistera à l’émergence d’entreprises d’un troisième type :
Si aujourd'hui l’intelligence artificielle est devenue la clé de voûte dans les stratégies d’entreprises, c’est qu’elle leur confère un avantage concurrentiel déterminant par rapport à celles qui n’auront pas été suffisamment rapides dans cette transformation.
Elles seront plus souples, agiles, rapides et nomades. La transformation numérique de ces entreprises leurs donneront des capacités d’ubiquité et prise de décisions instantanées en se développant dans un réseau de partenariats réticulaires.
A l’instar de Google, d’Amazon ou d’Apple, les entreprises de demain auront une forte intensité capitalistique pratiquant des ruptures méthodologiques pour gagner des parts de marchés de manière monopolistique. Au regard du récent succès des GAFAM, Il n’est pas inenvisageable que ces entreprises dont les revenus pourraient dépasser le P.I.B de la plupart des pays de moyenne démographie, puissent avoir leur propre autonomie juridique et diplomatique juste avec une poignée d’hommes. On y voit déjà les prémisses avec l’instauration d’une ambassade pour les GAFA au Pays-Bas.
En prenant pour hypothèse également, selon une étude prospectiviste, que la probabilité moyenne qu’une intelligence forte puisse apparaître dans quelques décennies, nous aurons accouché d’ici là de super entreprises ultra-compétitives spécialisées notamment dans les domaines stratégiques de l’ingénierie cognitive et l’informatique quantique d’une part et de la biologie de « synthèse » d’autre part.
L’ingénierie cognitive.
Il est fort possible que toute une industrie cognitive émerge dans les années à venir ayant pour objectif de créer toutes les fonctions cognitives qu’il soit possible d’imaginer, s’inspirant directement du cerveau humain ou non.
Les entreprises leaders en ce domaine sont les GAFA coté américain, et les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) coté chinois et dépensent d’ores et déjà des dizaines de milliards de dollars pour mettre sur pied cette industrie. L’Europe prend le train en cours de route et annonce 20 milliards d’euros d’investissement pour l’année 2019.
Vraisemblablement, les technologies issues de cette industrie s’appuieront sur des techniques mixtes en cours de développement tel que les réseaux neuronaux, les algorithmes génétiques, la programmation sous contraintes, ect …, chacune de ces techniques ayant leurs spécificités propres avec leurs inconvénients et avantages.
La biologie de synthèse
La biologie de synthèse, ou biologie synthétique, est un domaine scientifique et biotechnologique émergeant qui combine biologie et principes d'ingénierie, dans le but de concevoir et construire (« synthétiser ») de nouveaux systèmes et fonctions biologiques, avec des applications notamment développées par les secteurs agro-pharmaceutique, chimique, agricole et énergétique.
Les objectifs de la biologie de synthèse sont de deux types :
- Tester et améliorer notre compréhension des principes gouvernant la biologie (apprendre en construisant).
- Construire de façon fiable des organismes accomplissant des fonctions biologiques complexes répondant à diverses applications (énergie, santé par exemple).
La création de molécules biologiques et la manipulation génétique se prêtent fort bien aux nouvelles techniques de l’intelligence artificielle, notamment avec le Deep Learning et les algorithmes génétiques
Il est fort à parier qu’il existera une synergie puissante entre ces deux industries, voire la naissance d’une fusion entre les deux, l’une améliorant l’efficacité de l’autre. Cette synergie croissante permettra une intense production d’idées et une mise en application de nouvelles structures plus adaptées à l’environnement.
La tragédie sociale
Le chômage de masse
Outre que le changement climatique induira des migrations massives de réfugiés climatiques ayant un énorme impact économique et social, que la déplétion économique dû à la raréfaction énergétique et minière induira également une pauvreté et un chômage de masse, il faudra ajouter un troisième phénomène aggravant : une automatisation à outrance de la société qui accentuera la pénurie d’emplois.
Un rapport publié en février 2016 par Citibank en partenariat avec l’Université d’Oxford a prédit que 47 % des emplois aux États-Unis sont à risque d’automatisation. Au Royaume-Uni, 35 % le sont. En Chine, c’est un énorme 77 % – tandis que dans l’ensemble de l’OCDE, en moyenne 57 %.
L’évolution de l’intelligence artificielle pourrait sonner le glas de nombreuses professions. Deux chercheurs de l’Université d’Oxford estiment que 47 % des emplois aux États-Unis sont voués à être remplacés par des machines d’ici 20 ans. Carl Benedikt Frey et Michael Osborne ont examiné les probabilités d’automatisation de 702 professions au cours des 10 à 20 prochaines années. Publiés en septembre 2013, les résultats de leur étude indiquent que le conseiller en services financiers a plus d’une chance sur deux (58 %) d’être remplacé par un algorithme, ce qui le situe au 379e rang des métiers les plus à risque d’être robotisés, parmi les 702 professions analysées.
Considéré comme le parrain de la robotique aux États-Unis, le professeur, chercheur et auteur George Bekey abonde dans ce sens. « Plus de la moitié des conseillers seront des ordinateurs dans les 5 à 10 prochaines années », a-t-il prédit depuis son bureau en Californie. « Les évaluations de crédit et les obtentions de prêts se font déjà par ordinateur », rappelle-t-il.
Un rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement indique que l’automatisation pourrait également affecter ceux des pays en développement, probablement encore plus.
Le rapport explique que « l’utilisation accrue de robots dans les pays développés risque d’éroder l’avantage traditionnel du coût de la main-d’œuvre des pays en développement ». Il cite un autre rapport de la Banque mondiale qui stipule : «La part des professions qui pourraient subir une automatisation importante est en fait plus élevée dans les pays en développement que dans les pays plus avancés, où le nombre de ces emplois ont déjà disparu». Cela signifie que les emplois peu qualifiés dans les pays en développement sont plus vulnérables puisque ces emplois pourraient également être effectués par des robots, ce qui entraînerait un déplacement de main-d’œuvre peu qualifiée dans ces pays. Cela représente environ les « deux tiers de tous les emplois » que les pays en développement pourraient perdre face à l’automatisation.
Il affirme que l’automatisation pourrait courir le risque de voir une activité économique, comme l’industrie manufacturière, être relocaliser vers les pays développés à partir de pays en développement. Le reshoring (relocalisation de la production) est l’acte de ramener la fabrication nationale dans un pays. C’est déjà le cas aujourd’hui, mais selon le rapport, elle se produit à un rythme lent.
Le bilan de l’étude reste pourtant assez sombre : il y aura beaucoup moins d’emplois sur le marché dans les pays développés, et beaucoup, beaucoup moins dans les pays pauvres.
Comment va s’opérer la nouvelle répartition des richesses et va-t-elle se faire ?
La question reste ouverte. N’oublions pas que ces futurs chômeurs ne feront plus partie de l’équation économique si aucun contre pouvoir ne s’établit à la suite de la dépossession de leurs moyens de production. De nouveaux rapports de forces violents du corps social devraient se multiplier et gagner en intensité dans les années à venir.
De nouvelles fractures sociales et territoriales
Aujourd’hui, les grandes villes, nous retrouvons la question de la mondialisation, se sont spécialisées vers des emplois de plus en plus qualifiés, avec une désindustrialisation massive depuis vingt ou vingt-cinq ans. Les délocalisations ne concernent d’ailleurs pas tant les industries qui partent à l’étranger que celles qui quittent les villes pour le périurbain et le rural. Une recomposition économique du territoire a bel et bien précédé cette recomposition sociale : tandis que les industries se délocalisaient, le logement social attenant à ces industries restait, lui, dans la ville : c’est l’histoire même des banlieues. Par contre, l’emploi était parti ailleurs, à l’étranger ou dans les espaces ruraux ou périurbains.
Avec la montés des eaux et l’hyperspécialisation des métiers attractifs, de nouvelles recomposition économique des grandes villes vont être induite avec inévitablement une recomposition sociale en marche forcée. La métropolisation a, jusqu’ici, entraîné une spécialisation des activités et des emplois des grandes villes dans les secteurs les plus qualifiés, attirant les catégories les plus aisées, les catégories moyennes supérieures : c’est le phénomène de gentrification : l’appropriation par des catégories aisées ou moyennes de l’ensemble des quartiers populaires des villes. Le modèle urbain d’aujourd’hui n’est plus celui du XIXe siècle, le modèle intégrateur de la révolution industrielle. La ville attirait alors les catégories populaires parce qu’elle en avait besoin. Aujourd’hui, dans le contexte de la mondialisation, la ville n’a plus besoin, pour créer ses richesses, des catégories populaires.
Elles sont reléguées au-delà de
Puisque l’ensemble des grandes agglomérations se spécialisent vers l’emploi high-tech et les catégories sociales aisées, le décalage croît inévitablement.
Les écarts de revenus, les inégalités sociales et culturelles entre les banlieues et leur environnement ne vont cesser d’augmenter puisque la dynamique est à la spécialisation des grandes villes vers de l’emploi plus qualifié. C’est une tendance structurelle qui entraîne, non une relégation spécifique de telle ou telle population dans les « quartiers », mais une spécialisation des villes débouchant sur l’idée que les catégories populaires n’y ont plus leur place.
Etonnamment, à côté de ce grand mouvement d’éviction des catégories populaires, on observe le flux migratoire inverse amenant les catégories populaires immigrées vers les grandes villes embourgeoisées, notamment dans les banlieues, suivant précisément le chemin inverse des autres catégories populaires. C’est un choc énorme : les villes ont accueilli, ces vingt dernières années, notamment via l’immigration familiale, une immigration totalement déconnectée du marché de l’emploi. Le diagnostic concernant la banlieue est essentiellement, la déconnection du marché de l’emploi de populations pas ou peu qualifiées. Avec ce flux totalement déconnecté des autres flux migratoires, on assiste à un phénomène structurel qui explique la crise des banlieues en France.
Pour les villes côtières menacées, des travaux pharaoniques s’annoncent pour ériger d’énormes digues le long des côtes peuplés mais le système mis en place ne sera que provisoire avec l’accentuation du réchauffement climatique.
Il en résulte que les tensions sociales vont augmenter fortement qui prendront différentes formes selon les pays concernés mais qui sera principalement une forte augmentation de la délinquance dans les zones défavorisées ou dévastées, des révoltes populaires plus ou moins organisées et étendues se feront jour dans les grands centres économiques.
Renforcement du contrôle social
Pour assurer une stabilité sur le commerce mondial restant, les grandes instances internationales et étatiques vont exercer un plus grand contrôle sur sa population avec des moyens puissants et inédits.
Le contrôle social continue certes de s'effectuer par les types de propagandes "classiques", émanant à la fois des pouvoirs politiques, médiatiques et économiques (publicité, marketing, relations publiques...), mais un nouveau type de contrôle social émerge, dont les NTIC sont à l'origine : non seulement celles-ci génèrent de nouveaux outils de surveillance et de fichage des données personnelles mais l'ensemble des technologies (quelles que soient leurs fonctions) constituent désormais un système exerçant sur les individus une influence telle qu'il paralyse leur esprit critique. Ellul estime que les "nouvelles technologies de surveillance et de contrôle" peuvent continuer de se développer à l'infini sans que les humains ne s'en inquiètent car à la liberté, ils privilégient de beaucoup la recherche de confort matériel et de sécurité. Il en conclut que le contrôle social et l'aliénation à la technique sont consubstantiels à la modernité et que, faute de remettre celle-ci en question, "le conformisme constitue le totalitarisme de demain"
Le contrôle social stigmatise et opprime ; tout en produisant de la cohésion sociale, il produit de la domination, notamment des catégories les plus aisée ; orienté par les groupes dominants et spécifiquement exigeant envers les groupes dominés, il est l'un des canaux par lesquels les hiérarchies sociales sont produites et légitimées.
Passage à l’économie symbiotique
Le grand enjeu de cette nouvelle économie, c’est la gouvernance.
Pourquoi ? Parce qu’elle est face à un quadruple problème. Elle conjugue l’hyperproductivité du fonctionnement en écosystème, la rapidité de l’économie de l’information, le déficit démocratique profond engendré par la donnée personnelle, et la précarisation des acteurs liée à la transition structurelle à laquelle les systèmes de protection sociale ne sont pas adaptés. Hyperproductive, on ne l’arrêtera pas. Ultrarapide, elle nécessite des modes d’organisation très souples. Antidémocratique, elle doit être dotée de modes de gouvernance à la taille des contributeurs. Précarisante, elle suppose de trouver de nouveaux modes de solidarité et de redistribution de la valeur.
On bascule alors vers une économie qui se comporte complètement différemment de l’économie actuelle, selon des lois qu’on peut décrire très précisément : elle régénère ses facteurs de production, qu’ils soient écologiques, économiques ou sociaux. On passe d’une économie « extractive » à une économie « régénératrice »
En résumé, en deux générations, tous les éléments d’une nouvelle économie sont en train d’apparaître dans le monde, nous permettant de basculer massivement vers une économie régénératrice et symbiotique entre les hommes et la planète notamment avec l’avènement des sociétés biotechnologiques.
A terme, des entités « superintellingentes » pourraient élaborer divers organismes vivants, une sorte de superorganisme crée ex-nihilo, ayant pour but de s’affranchir de certaines contraintes matérielles afin de combler le besoin de survie de leurs propres structures en combinant efficacité matérielle et énergétique. L'émergence sur la planète d'une nouvelle forme de vie est, dans ce cadre, est probable dont l'homme, cette fois, n'est pas le point d'aboutissement évolutif, mais la cellule de départ et le catalyseur. Les principales étapes en sont l'auto-organisation, la coévolution et la symbiose. Ainsi, il pourrait émerger des créatures virtuelles, une sorte de dérivé d’agents intelligents ayant leurs propres espaces virtuels au sein de ces superorganismes ayant de nombreuses connexions réticulaires à l’échelle de la planète.
Pour que cette transformation soit possible, il faut 3 conditions préalables :
1) que l’ingéniosité humaine soit suffisamment élaborée pour comprendre ces mécanismes de la complexité du vivant, tout au moins dans sa genèse.
2) que la transition ne soit pas trop rude et chaotique afin que ces structures entièrement dépendantes de l’homme dans un premier temps, puissent avoir le temps de s’auto-organiser afin de résister à la nouvelle donne climatique et environnementale.
3) que l’apparition de ces supers-organismes se fasse suffisamment rapidement avant l’extinction complète de l’Homme.
Dans un contexte d’un capitalisme débridé qui va de pair avec l'urgence climatique, l'avancée technologique et biogénétique, il est nécessaire de repenser dans un objectif émancipatoire de nouvelles subjectivités afin d'appréhender un futur viable et ouvert aux transformations.
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