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Charivari de la société contemporaine

Dans quelle société vivons-nous ?

29 Juin 2012, 04:25am

Publié par samagace69

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"La sociologie peut être définie comme la branche des sciences humaines qui cherche à comprendre et à expliquer l'impact de la dimension sociale sur les représentations (façons de penser) et comportements (façons d'agir) humains. Ses objets de recherche sont très variés puisque les sociologues s'intéressent à la fois au travail, à la famille, aux médias, aux relations, aux réseaux sociaux, aux rapports de genre (hommes/femmes), aux statuts et fonctions, aux religions, ou encore aux formes de cultures et d'ethnicités..."

 

Pour avoir un aperçu de l'évolution de la sociologie je vous invite à consulter la page Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Sociologie

 

Répondre à la question du titre est donc une gageure : C'est un champs multidisciplinaire et intersubjectif . En effet le biais subjectif à commencer par la définition de son objet d'étude ne peut pas entièrement échapper à la propre subjectivité du sociologue.

 

Cependant des tentatives intéressantes sont menées notamment par François DUBET et Danilo MARTUCELLI qui ont édité un livre " Dans quelle société vivons-nous ?, Seuil, coll. « L’épreuve des faits », 1998. Pour résumer ce livre , ils aboutissent à la conclusion que « l’idée de société ne peut plus naïvement associer modernité et progrès »  et que s’il est toujours essentiel pour la sociologie de se demander ce qui relie les hommes les uns avec les autres, il ne s’agit plus de le faire dans une perspective fonctionnaliste, qui verrait dans la société un organisme social, voué au progrès

 

La modernité se caractériserait par une complexité et des situations d’interdépendances telles qu’elles « creusent la distance entre monde subjectif immédiat et un monde objectif trop complexe pour être appréhendé » sans une modification profonde de la sociologie . On se retrouve donc face à une idée de société qui serait passée de « transcendante et concrète » chez les sociologues classiques, à « immanente et abstraite » , et qui invaliderait par conséquent le « projet de définir un ensemble concret et cohérent » .

 

Les auteurs s’appuient sur ce qu’ils considèrent comme les grandes caractéristiques de la société post moderne, et essayent finalement de répondre à une question que l’on pourrait formuler ainsi : quelle action collective pour quelle société – et pour quelle sociologie ? Ils identifient alors un mouvement de disparition des classes sociales, qui ne seraient plus pertinentes dans la mesure ou stratification et domination se distinguent progressivement , une « désinstitutionnalisation » , une individualisation, un déclin de l’identification spécifiquement française de la société à l’Etat-nation, tous ces traits aboutissant à une psychologisation des conflits sociaux.

 

Dubet et Martuccelli invoquent tout d’abord ce qu’ils appellent le « brouillage des positions de classes » , qui est notamment la conséquence de la quasi universalisation du salariat (87% de la population active française) et des problèmes posés pas la notion de classe ouvrière qui ne renvoie plus nécessairement à une réalité homogène dès lors qu’on assiste à la qualification de certains emplois d’ouvriers et à la déqualification de certains emplois d’employés. On assisterait par conséquent à une multiplication des critères pour définir des groupes sociaux, qui aurait été initiée par Max Weber avec sa définition de la notion de statut, comportant des critères de prestige, et d’honneur élargissant les simples critères économiques, avec pour point d’aboutissement une multiplication de critères à faible capacité analytiques. Une sociologie renonçant à toute capacité unificatrice serait le pendant de cette société en proie à un brouillage des positions de classes.

 

Ils accordent finalement une place particulière à deux des modifications connues par l’économie française, car elles leur semble porter un certain nombre de conséquence déterminante sur le plan social et sociologique. Il s’agit d’une part de la situation de la France dans le cadre de la mondialisation, et d’autre part des questions soulevées par le chômage en France, ou plus exactement par les changements dans l’intégration professionnelle. On peut ici faire le lien avec une double problématique de l’identification. Celle de la société à l’Etat-nation, peut sembler aller déclinant en parallèle avec les difficultés rencontrées par les Etats sur la scène internationale et au sein même de leur propres pays pour accompagner les modifications de l’économie.  Celle de l’individu à son travail, qui est quant à elle une question identitaire posée à une échelle plus individuelle, mais qui trouve son point de départ dans le déclin du modèle d’emploi des Trente Glorieuses.

 

Des relations ambiguës se font désormais jour entre des individus  précarisés et exclus, et des individus qui se trouvent encore intégrés dans le système antérieur, qui bénéficient d’une certaine stabilité. Dubet et Martuccelli parlent de la « consolidation » et de « l’extension  d’une relation de transfert monétaire », qui impliquent selon eux que «  la solidarité à l’égard d’individus dont la participation à la production de la richesse nationale est de plus en plus compromise », et qu’ainsi « la philosophie de la question sociale se transforme » . Dubet et Martuccelli estiment que les catégories socioprofessionnelles ont elles aussi montré leurs limites et que, là encore, il convient d’avoir recours à des critères multiples pour appréhender les situations différenciées des individus. Ils identifient ainsi trois variables déterminantes : le revenu, l’autonomie et le statut, qui sont « structurantes des rapports sociaux dans lesquels les individus circulent au cours de leur carrière » .

 

On voit bien ici que le travail et ses mutations demeurent pour Dubet et Martuccelli un des points essentiels de la profonde mutation que connaît la société française, et notamment à la désintégration du mouvement social unifié que constituait le mouvement ouvrier : « L’exclusion ne concerne pas seulement les exclus ; elle engage des mécanismes de plus grande ampleur tenant à la crainte des couches moyennes d’en être victimes, à sa position centrale dans le débat politique, et, surtout, à l’instauration d’une clivage social nouveau juxtaposé aux oppositions pus traditionnelles entre les classes sociales » .

 

Ces nouveautés sont à l’origine des difficultés rencontrées par le syndicalisme traditionnel dans les sociétés post-modernes, qui a « perdu ses capacités de s’identifier aux intérêts de tous les travailleurs, notamment ceux qui n’ont pas d’emplois » et qui voit s’imposer des « défenses catégorielles », tandis que se creuse la défense entre le privé et le public.

 

Le lien entre politique et démocratie doit aussi être analysé à travers le prisme du rôle de l’économie dans les sociétés post-industrielles. Les modifications de la situation économique française ont en effet conduit l’Etat à adopter des dispositifs « parfois à mi-chemin entre logique administrative et logique militante » , qui ne réussissent cependant que s’ils obtiennent le soutien des habitants et des acteurs institutionnels. Cela tend à poser la question du lien entre Etat et mobilisations locales, les auteurs définissant ces politiques comme une « réalisation pratique de l’idée de société, tant qu’elle peut se concevoir sans centre, et dans une société d’individus » . Ils ajoutent que « de ce point de vue, la société existe comme un projet, celui de la combinaison indéfinie d’exigences contradictoires, à travers des politiques, bien plus que par l’affirmation d’une légitimité et d’une rationalité générale encore « religieuses » parce que directement identifiées aux intérêts supérieurs de la nation et aux principes fondateurs de la citoyenneté » .

 

Dubet et Martuccelli terminent leur ouvrage par quelques éléments de description de changements connus par le système politique : la lente érosion de la relation entre les positions sociales et les orientations politiques, la complexification croissante de la société avec une division « chaotique » de l’opinion publique, l’émergence d’une démocratie de partis, et l’importance croissance de l’identification à des leaders politiques sur fond de déclin des polarisations politiques et d’augmentation des sensibilités populistes . Cette augmentation du repli national est analysé par les auteurs comme la marque du questionnement face à la vie politique française et à une certaine frustration face à son incapacité à donner un sens à la société civile .

 

Nous verrons par la suite dans un article prochain que le risque de cette complexité de la représentation française et les frustrations croissantes des "exclues" de la consommation peut donner un impact négatif dans les liens sociaux avec pour toile de fond une économie déclinante.

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