jeudi 8 décembre 2011
Le jeudi 8 décembre et le vendredi 9 décembre 2011 seront des journées marquées dans les livres d’histoire comme la tentative ultime de l’intégration européenne à la sauce franco-allemande. Soit nous arrivons à nous sortir temporairement du marasme ambiant, soit c’est l’annonce de la déconfiture socio-économique de l’Europe.
A ce moment "crucial" pour l'avenir de l'euro, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont appelé mercredi leurs partenaires européens à instaurer une gouvernance renforcée de la zone euro, accompagnée de discipline budgétaire et de convergence dans certains domaines comme la finance et le travail.
De quoi s’agit-il ?
Le président et la chancelière ont détaillé leur proposition commune de révision des traités européens, dévoilée lundi à l'Elysée au terme d'intenses tractations, pour tenter d'enrayer la crise des dettes souveraines.
"A côté de la monnaie unique, un pilier économique solide est indispensable, s'appuyant sur une gouvernance renforcée pour assurer la discipline budgétaire ainsi qu'une croissance plus forte et une compétitivité accrue", écrivent-ils.
Le compromis franco-allemand fait la part belle au renforcement de la discipline budgétaire exigé par Berlin, en imposant à tous les pays une "règle d'or" de retour à l'équilibre des finances publiques et des sanctions quasi-automatiques en cas de dérapage, sauf "circonstances exceptionnelles" ou vote contraire à la majorité qualifiée.
M. Sarkozy et Mme Merkel ont précisé que la "règle d'or" devait être adoptée "de préférence au niveau constitutionnel ou équivalent" et que sa conformité pourra être vérifiée par la Cour européenne de justice.
Les deux dirigeants prônent un "nouveau cadre juridique commun" pour améliorer la convergence en matière de "régulation financière", de "marché du travail", de "convergence et harmonisation de l'assiette pour l'impôt sur les sociétés et l'instauration d'une taxe sur les transactions financières" ou de "politiques de soutien à la croissance".
En matière de "solidarité" avec les pays en difficulté, réclamée avec insistance par Paris, ils ont confirmé leur volonté d'avancer d'un an à 2012 la mise en place du Mécanisme permanent européen pour la stabilité (MES) qui doit remplacer le fonds de secours financier (FESF) créé dans l'urgence pour secourir la Grèce.
Leur texte ne dit rien du financement de ce MES, qui s'annonce pourtant comme l'un des plats de résistance du sommet de l'Union européenne qui s'ouvre jeudi soir, après les menaces de l'agence de notation américaine Standard and Poor's de dégrader la note de 15 pays de la zone euro, dont la France et l'Allemagne.
L'Allemagne s'y opposant catégoriquement, la lettre franco-allemande n'évoque ni éventuel renforcement des capacités d'action de la Banque centrale européenne (BCE) sur les marchés, ni euro-obligations.
Nous sommes au bord du gouffre et l’Europe va faire un grand pas en avant …
Première annonce de L’AFP ce matin :
Après les Etats, SP menace les banques de la zone euro et l'UE !:
Non seulement Standard and Poor's menace de dégrader la note des pays de la zone euro mais aussi des principales banques européennes où l’on déclare qu’elles vont être insolvables…rien de moins….cela sent le roussi dans ce nouveau royaume européen pour ne pas dire le sapin !
A tel point que l’on peut se demander si les agences de notations n’ont pas intérêt à faire pressions sur les institutions européennes pour cacher la misère et l’implosion prévisible Outre-Atlantique.
Forcément les commentaires vont aller de bon train ces jours-ci sur les divers medias économiques. Je vous laisse le choix si le cœur vous en dit.
Il ne faudra pas oublier les répercussions de la composante sociologique des acteurs européens. A cet effet, je viens de lire l’excellent ouvrage d’Emmanuel Todd, « Après la démocratie ».
Je dois avouer que le ton polémique au sujet du « sarkozisme » me paraissait suspect voire déplacé au début de son livre mais en fait non, c’est une analyse assez fine de la société française depuis le début du XX siècle et de l’évolution politique qui s’ensuit.
Je me permets d’extraire certains passages qui méritent d’être soulignés tout en sachant qu’une analyse préalable exposée par l’auteur amène aux conclusions suivantes :
« La menace d’une suppression du suffrage universel me paraît beaucoup plus sérieuse. Le fonctionnement anarchique de valeurs égalitaires mène le plus souvent, dans un contexte de régression économique, à des solutions de dictature. La tradition française, ce n’est pas seulement l’individualisme et la République, c’est aussi l’absolutisme louis-quatorzien et la dictature de deux Bonaparte. »
« Nous vivons dans une société d’un genre nouveau, dénué de croyances collectives et de forces intermédiaires organisées…La montée vraisemblable de conflits de classes immatures, c’est à dire sans programme ne pourrait qu’engendrer un climat dont le seul effet politique serait une autonomisation de l’Etat sur fond d’anarchie. L’atomisation résultant de la forme narcissique de l’individualisme contemporain fait de la société une masse inerte, fragile, vulnérable. ».
« En France, et ailleurs dans le monde développé, l’opposition entre population et classe dirigeante s’exaspère, et il devient de plus en plus difficile de neutraliser le suffrage universel par le spectacle. Les affaires européennes donnent régulièrement l’occasion à nos classes dirigeantes de laisser transparaître la vigueur de leur tropisme anti-démocratique. »
« Nous devons avoir à l’esprit la violence des tensions auxquelles est soumis le corps social, et qui vont s’accroître avec la baisse du niveau de vie du plus grand nombre….les attaques de type socio-économique direct contre les fonctionnaires ou les régimes spéciaux ont l’effet très visible de ramener les Français sur le terrain de la lutte des classes. »
« La prospective au sens strict est impossible ; nous sommes confrontés à trop de facteurs-économiques, éducatifs, anthropologiques_ dont certains sont, de plus, indéterminés. Seule la catastrophe économique est certaine mais nous ne connaissons ni sa forme exacte ni son rythme »
« Depuis 2005, se développe en fait une nouvelle représentation, de type ternaire, avec trois groupes principaux : le peuple, les classes moyennes, la classe supérieure. Les proportions 66 %,33% et 1 % découpent symboliquement la réalité sociale. »
« Nous devons bien comprendre que la stratification éducative du pays ne définit plus une structure simple et stable. Elle implique une tension permanente entre une dimension égalitaire, l’alphabétisation universelle, et une dimension inégalitaire, l’existence d’un groupe d’éduqué supérieurs, qui finira par englober le tiers de la population….L’instabilité du système s’accroit parce que les éléments jeunes de ce groupe « éduqué supérieur » vont cesser de profiter du système économique. Les bénéfices de la globalisation ne reviennent plus maintenant qu’au 1 % supérieur de la population, les 10 %suivants pouvant encore être considérés comme neutres, ni favorisés, ni défavorisés. »
Bien d’autres séquences d’analyse de l’auteur sont tout aussi pertinentes et valent la peine d’être lues et méditées.
Déjà Albert Camus prophétisait « La société politique contemporaine : une machine à désespérer les hommes. »
La croyance collective est le socle qui permet à une Nation de se tenir debout. Sinon elle se fragmente en conflits intestines et projette ses peurs sur le reste du monde.
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