Rio+20 : pour la presse internationale, "il n'y a pas grand chose à espérer"
C'est le plus grand événement jamais organisé par l'ONU et considéré par son secrétaire général, Ban Ki-Moon, comme "trop important pour échouer". Mercredi 20 juin, 130 chefs d'Etat et de gouvernement étaient attendus à Rio de Janeiro pour participer à la conférence pour le développement durable Rio+20, vingt ans après le premier Sommet de la Terre à Rio, en 1992.
Il y a vingt ans, deux conventions avaient été adoptées à l'issue de ce rassemblement inédit : l'une concernait la lutte contre le réchauffement climatique, l'autre, le maintien de la biodiversité. Cinq ans plus tard, en 1997, était signé le Protocole, imposant aux pays signataires de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais à l'ouverture d'un nouveau sommet mondial pour l'environnement, les espoirs sont presque inexistants. La presse internationale exprime un scepticisme sans comparaison.
DÉSILLUSIONS PROFONDES
Pour le New York Times, la période actuelle explique ces désillusions. La conférence de Rio, qui compte pas moins de 50 000 participants, "est éclipsée par les crises politiques et économiques sévissant dans le monde", reconnaît le quotidien américain. Preuve de ce désintérêt, le président américain Barack Obama, le premier ministre britannique David Cameron et la chancelière allemande Angela Merkel "se tiennent à distance, préoccupés par leurs politiques nationales et le désarroi financier qui règne en Europe".
Contexte international oblige, les attentes vis-à-vis du sommet "restent faibles", regrette de son côté le Christian Science Monitor, "du fait des nombreux malheurs économiques qui touchent l'ensemble du monde". Mais pour le Guardian, cette excuse ne tient pas. La "vraie raison" de ce désintérêt n'est pas la crise financière, mais bien le fait que "le temps de l'espoir et de l'idéalisme est fini". Alors que le sommet de 1992 avait, en peu de temps, "mis en place l'agenda environnemental des vingt années suivantes", désormais, "on met quinze ans pour n'arriver à rien dans les négociations, et cela est vu comme quelque chose d'extraordinaire", critique le journal britannique.
DIVERGENCES D'INTÉRÊTS ENTRE ÉTATS
Selon plusieurs titres internationaux, le vrai problème règne en fait dans le manque de consensus politique entre pays développés et en développement. Très pessimiste, le magazine américain Time estime que les Etats sont incapables de coopérer, "au moment même où ils doivent se réunir". Affirmant que "la planète est en péril" - avec 43 % de la surface de la Terre affectée par l'activité humaine, et seulement quatre objectifs environnementaux enregistrant des progrès sur quatre-vingt-dix -, Time juge néanmoins que "la très mauvaise nouvelle" est ailleurs : "C'est que nous sommes totalement incapables de remédier à tout cela."Pour le magazine, l'échec du sommet de Copenhague en 2009 en a été la preuve : à partir de là, "il est devenu clair que les pays ne trouveraient jamais un accord (...) pour régler la crise climatique."
Le rapport prévient qu'à moins que l'humanité ne change immédiatement de cap, des seuils critiques seront bientôt atteints au delà desquels des changements brusques et irréversibles peuvent survenir, qui affecteraient les fonctions vitales de notre planète.
« Si cette situation perdure, si les structures actuelles de production et de consommation des ressources naturelles continuent à prévaloir et que rien n'est fait pour inverser la tendance, les gouvernements devront assumer la responsabilité d'un niveau de dégradation et de répercussions sans précédent, » a affirmé le Sous-secrétaire général de l'ONU et Directeur général du PNUE, Achim Steiner.
Etat des lieux de la planète
Si on pouvait réduire la population de la terre à un « village planétaire » d'exactement 100 personnes, en conservant tous les ratios humains, cela ressemblerait à ça : 60 Asiatiques (dont 20 Chinois et 17 Indiens), 14 Américains (Nord et Sud), 13 Africains, 12 Européens et un demi Océanien. 52 femmes, 48 hommes, 70 non-blancs et 30 blancs, 48 vivent dans le village, 52 sont éparpillés dans la campagne.(1)
En 2000, les USA/Canada consommaient 2,555 milliards de tep/an pour 302 millions d'habitants soit 8 tep/hab/an. L'Europe de l'Ouest, 1, 6 milliard de tep pour 385 millions d'habitants soit 4,31 tep/hab/an. La Chine 1,23 milliard de tep/an pour 1,26 milliard d'habitants soit 0,98 tep/hab/an! Enfin, l'Afrique consomme 480 millions de tep/an pour 760 millions d'habitants soit 0,6 tep/hab/an.
6 personnes possèdent 59% de la richesse mondiale, tous les 6 sont des États-Unis. 50 habitants du village vivent avec 2 dollars par jour. 25 vivent avec 1 dollar par jour. 15 produisent plus de la moitié des rejets de CO2 du village. 25 consomment trois quarts de l'énergie totale, les 75 autres consomment eux, le dernier quart de l'énergie. 17 n'ont ni services médicaux, ni abri adéquat, ni eau potable. 50 souffrent de malnutrition, 70 sont analphabètes, 80 personnes vivent dans un logement de mauvaise qualité, 20 contrôlent 86% du PNB et 74% des lignes téléphoniques. 11 habitants utilisent une voiture et sans doute 20 d'ici 20 ans. 20 disposent de 87% des véhicules et de 84% du papier utilisé. 9 ont accès à l'Internet. 1 (oui, seulement 1) à un niveau d'études universitaire. 1 meurt et 2,3 enfants naissent chaque année.
CONCLUSION
Un réchauffement de 2°Cd'ici la fin du siècle équivaudrait à un déplacement de près de 360 km vers le Nord : la plupart des ensembles forestiers sont incapables de migrer spontanément à cette vitesse virtuelle de 10 cm/jour. De plus, nous exploitons un « stock fini » de matières premières qui s'épuisera bientôt, croissance aidant. La pénurie nous guette, et plus vite qu'on ne le croit : dans trente ans, il ne restera plus de pétrole; dans 60 ans, plus de gaz naturel ; avant la fin du siècle plus d'uranium. La seule solution c'est d'aller vers la sobriété énergétique en évitant tout ce qui est superflu et en revoyant fondamentalement le paradigme consommation d'énergie - niveau de vie.
La nature est la première victime de la gabegie des hommes. Beaucoup d'écosystèmes sont à l'agonie. L'homme s'autorise à prendre la place de tous les autres êtres vivants, qu'il considère comme n'ayant aucun intérêt si elles ne lui sont pas directement utiles. Alors il tue, il pollue, il saccage.
« Si l'humanité continue sur sa lancée, la Terre de 2030 ne ressemblera plus à grand-chose. Beaucoup d'espèces auront disparu. Les derniers animaux sauvages sont traqués et se cachent au plus profond des quelques vraies forêts qui restent. Nous serons plus de 9 milliards à exercer une pression toujours plus constante sur l'environnement. Peu importe que le CO2 produit par les véhicules soit un puissant gaz à effet de serre. Certes, il restera quelques zones sauvages au Canada, en Sibérie, en Antarctique. Le climat se dérègle, c'est désormais une évidence. La situation géopolitique est tendue. Certains pays en développement vont vouloir se hisser au rang des puissances occidentales. L'affrontement risque de devenir inévitable. Le fossé séparant les cultures pourrait être trop large pour que la paix et la sécurité soient préservées. Si les ressources manquaient, qui sera le premier servi ? (...) La montée en puissance de l'individualisme et du libéralisme sauvage est évidente. Que va devenir la solidarité au milieu de cette jungle qu'on nous construit. Les images des enfants mourant de faim à la télé ne nous choquent plus. Nous ne nous soucions pas de l'humanité en général ».
Le drame est que rien ne semble arrêter la course mortelle à la croissance sans laquelle nos brillants économistes sont incapables d'échafauder la moindre perspective d'évolution vers un autre modèle économique. Et nous les citoyens, malgré les efforts de nos gestes écologiques dérisoires, emportés par ce maelström infernal, assisterons au désastre avec cet insupportable sentiment d'impuissance.
Les tensions de tous ordres et le désordre économique et social apparaîtront sans doute bien avant avec la disponibilité décroissante du pétrole que nous ne parviendrons pas à compenser en temps voulu par les autres sources d'énergies. Même en misant tout sur une substitution du pétrole par le charbon et ses dérivés liquides, même en ayant recours massivement au nucléaire avec tous les inconvénients créés par ces deux sources d'énergies, elles seront très insuffisantes pour compenser le déficit d'énergie laissé par le pétrole. Ne parlons pas des énergies dites renouvelables qui plafonneront autour de 10%, dans le meilleur des cas, d'ici à 2030. Nous n'aurons ni le temps ni les moyens financiers pour réussir une mutation nécessaire des infrastructures, le tout dans un climat de crise financière et de récession économique engendrée par le coût croissant et la réduction physique de l'énergie disponible. Et ceci sans compter avec la facture à payer des désordres écologiques et climatiques qui en résultera. Facture qui sera soldée en premier par les variables d'ajustement que sont les peuples harassés du Sud qui auront à combattre l'errance climatique et la faim.
Au lieu de l'appel de Yann Arthus Bertrand, la sentence de Lamarck en véritable visionnaire qui prévoyait, il y a deux siècles, le chaos à venir est d'une brûlante actualité : « L'homme, par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres intérêts, par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot, par son insouciance pour l'avenir et pour ses semblables, semble travailler à l'anéantissement des moyens de conservation et à la destruction même de sa propre espèce... » Triste sort pour l'humanité dans moins d'une génération !
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