Le cinéma d'aujourd'hui : une industrie qui se fait encore passer pour de l'Art.
Préambule : Le ton de cet article se veut volontairement polémique pour faire réagir les lecteurs . Sus aux commentaires de tout bords.
Le cinéma est avant tout une industrie de part sa lourdeur des investissements logistiques et en capital humain , par sa planification de la réalisation du film dans le temps , par le nombre d'intervenants dans la confection du produit.
Au regard des investissements consentis pour réaliser un film , le nombre d'entrées du box-office se révèle crucial pour un retour sur investissement satisfaisant pour les parties impliquées .Peut-on encore considérer le cinéma comme le 7eme art , un Art collectif à par entière. ?
Le cinéma , une reproduction des archétypes primitifs de la société.
Très peu de films échappent à la reproduction des mythes et des croyances populaires :
Le cinéma apparaît tout à la fois comme le miroir de la société : il la reflète, il la met en scène, il en livre une représentation miroir, mais aussi éponge de la société : il s’en imprègne et il n’est finalement que le produit des représentations sociales, des luttes, des rapports sociaux en cours.
Bien souvent il est question d'un personnage hors-normes , le héros ou l'héroïne, qui se sort de toutes sortes situations inextricables , bien souvent fatales pour le commun des mortels.
La notion de Bien et de Mal sont souvent définies avec un contraste machinéen tout à fait extraordinaire. Une codification établie permet de déterminer d'emblée où se trouvent les "gentils" protagonistes et les "méchants".
Le personnage principal exprime des émotions principalement dans le registre narcissique .
Le thème du crime est un des grands principes récurrents susceptible de resurgir nos peurs ancestrales. Enfin l'amour et la violence font appel à nos instincts primitifs de réflexes de survie de type pavlovien.
Le cinéma comme outil de propagande.
L’image s’impose très vite comme le média privilégié, le support le plus adapté à la propagande politique .
C’est enfin la « masse moderne » qui définit le champ d’action de la propagande et pose le problème, au tournant du XIXème et du XXème siècle, de l’encadrement du nombre. Le sociologue français Gustave Le Bon (1841-1931) publie en 1895 une Psychologie des foules dans laquelle il soulève, avec crainte, le fondement instinctif, impulsif et malléable de la foule. Selon lui, « les foules ne pouvant penser que par des images, ne se laissent impressionner que par des images. Seules ces dernières les terrifient ou les séduisent
et deviennent des mobiles d’action »
. Ainsi dans son ouvrage tente-t-il de livrer des pistes pour captiver l’attention des masses, pour canaliser leur énergie. Il aboutit à la conclusion que l’image, savamment utilisée, peut façonner le comportement de la foule, par définition mobile et irritable.
« De telles thèses - dont l’audience est énorme durant toute la première moitié du XXème siècle - ouvrent directement sur ce nouvel instrument du pouvoir qu’est la propagande. Les régimes soviétique, nazi et fasciste (Hitler et Mussolini ont lu Le Bon avec attention), entièrement structurés à partir de mouvements de masse, sont les premiers à s’en saisir. Aux côtés des techniques modernes de communication, le cinéma se voit bientôt confier la mission de façonner une humanité nouvelle - peu importe que cette dernière soit gouvernée par des principes de race ou de classe - au moyen d’images simples et fortes, univoques »
Ce type de communication entre cette foule « qui ne saurait se passer de maître » passe par la séduction, par l’émotion, par la mise en spectacle. A la formule simple prêtée à Mussolini, « Le cinéma est l’arme la plus forte », Hitler, dans son ouvrage Mein Kampf, précise les fonctions qu’il veut faire assumer à l’art en général, au cinéma en particulier : « L’art doit consister à attirer l’attention de la multitude …, son action doit toujours faire appel au sentiment et très peu à la raison … L’art de la propagande consiste à être capable d’éveiller l’imagination publique en faisant appel aux sentiments des gens, en trouvant des formules psychologiquement appropriées qui attirent l’attention des masses et toucheront les cœurs …
L’image, sous toutes ses formes, jusqu’au film, a encore plus de pouvoir sous ce rapport.
Au total, il convient d’envisager ce que dit le cinéma, ce qu’il tait, ce qu’il suggère. Car les films de propagande n’assument pas tous ouvertement la gloire des institutions, des dirigeants ou des idéologies qu’ils servent. Le –bon ?- film de propagande peut se cacher sous des « appellations moins inquiétantes : film didactique, film d’édification religieuse, voire comme film édifiant d’information » et même, ô comble, film de fiction tout simplement.
C’est ainsi que des scénaristes hollywoodiens, après le 11 septembre 2001, sollicitent l’aide de la CIA et du Pentagone : deux films sortis sur les écrans en juillet 2002, Bad Company (de Joël Schumacher) et La Somme de toutes les peurs (de Phil Alden Robinson), sont le fruit de la collaboration entre Hollywood et les services secrets américains. Chase Brandon, agent au bureau des relations publiques de la CIA, explique –sans rire- quel est son rôle, dans le cadre de cette coopération : « Je m'occupe d'aider les réalisateurs de télévision, de cinéma et de documentaires qui veulent donner une image juste et impartiale de la CIA. Je réponds à leurs questions, je leur fais visiter nos bureaux, je leur arrange des entretiens et leur apporte tout le soutien logistique possible. »
Véritablement, le film « agit comme un agent de l’Histoire », car « naturellement son action sociale et politique s’exerce avec d’autant plus de force que les instances ou institutions qui en contrôlent la production ou la diffusion se veulent ouvertement porteuses d’une idéologie » comme on peut la voir dans les interviews successives qu’elle accorde à Ray Müller, dans Le pouvoir des images, documentaire européen réalisé en 1992, ou plus récemment encore, à l’âge de 100 ans, dans Courrier International n°616, 22-28 août 2002, p 31-33 Cinéma d’un monde en guerre », Documentation photographique n°6024, août 1976.
L'exception culturelle française : un reflet narcissique de préoccupations de "bobos" parisiens.
Loin d'aborder les grands thèmes de la société française , le cinéma français aborde très souvent le coté intimiste de ses personnages vivants le plus souvent reclus dans une vie citadine prospère ou se trouvant dans un axe de liberté très souvent hors de portée du vécu quotidien des français. Un exemple parmi tant d'autres : Catherine Breillat, romancière (elle a débuté en 1968 avec « L'Homme facile », un « roman libertin », à vingt ans en 1968) et cinéaste (dix films, d'« Une vraie jeune fille » à ce « Sex Is Comedy », qui a fait l'ouverture de la Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes), n'a jamais parlé d'autre chose que du désir. Ou plutôt, plus tristement, du corps, féminin, masculin, de son mal-être, de sa sexualité, de sa recherche malaisée du plaisir. Elle avait défrayé la chronique avec « Romance », où elle dirigeait une star du cinéma porno dans des scènes très explicites.. Cette fois, sans changer de sujet, ni vraiment de cible, car, on s'en doute, elle n'est jamais loin derrière ses personnages, elle parle aussi d'elle comme cinéaste. En se mettant en scène, en quelque sorte, en la personne d'un double, incarné par une Anne Parillaud transformée et très crédible, qui interprète une réalisatrice en train de tourner un film où l'amour physique tient le grand rôle.
Cet auto-référencement forcé du cinéma français possède une chaîne qui lui est destinée ( Paris Première) qui laisse une place de choix sur les considérations bien pensantes de chaque acteur et réalisateur sur leur propre cadre de vie.
Enfin le festival de Cannes , lieu de paillettes et d'ostentations, reste un lieu qui sert d'exutoire d'émotions d’auto congratulations et de surreprésentations des acteurs, ouvert à tous les superlatifs entre connaissances bien établies dans "l 'establishment" cinématographique.
Conclusions :
Il est donc bien clair pour ma part que le cinéma reste "handicapé" quant à son originalité propre. Les sommes énormes (sans oublier le salaire des "stars") engagés lors d'un tournage ne facilitent pas son plein épanouissement. C'est au spectateur de comprendre qu'il n'a pas grand chose à gagner en terme de rêves à voir se multiplier des films coulés dans le même moule hollywoodiens ou auteuristes. Et d'abord quel rêve ? Le rêve qui permet de nous échapper du réel, de le fuir ? C'est bien comme cela qu'on l'entend généralement. Mais est-ce bien un rêve ? Ou alors le véritable rêve serait-il de nous réconcilier avec le réel, puisque nous y vivons chaque jour, d'en découvrir les multiples aspects, les différentes facettes et ambiguïtés ?
Plaire au plus grand nombre recèle secrètement une volonté de puissance qui dépasse le simple pouvoir de l'argent. Le cinéma dit populaire m'a toujours laissé dubitatif car il veut imposer un code visuel compréhensif par tous, excluant de ce fait tous les autres. Cela s'appelle le conformisme, alors qu'une œuvre se doit toujours d'être personnelle (existentielle) et en rapport avec le réel (cela ne veut pas dire que l'on doit faire réaliste). Sans quoi les plus grands artistes que nous connaissons n'auraient jamais existé. A leur époque, ils étaient rarement populaires ; au contraire, ils dérangeaient notre manière de percevoir le monde. Et de l'autre, certains se sont atomisés en faisant dans l'incompréhensible (Godard), le nombrilisme ou en retraçant leur petite vie. Il va être difficile de sortir de ces deux écueils.
Actuellement, l'art n'a plus sa subversion d'antan. Le constat de Cornéluis Castoriadis dans "La montée de l'insignifiance" (Ed. du Seuil, p 19-20) n'est guère enthousiaste: "La culture contemporaine devient, de plus en plus, un mélange d'imposture "moderniste" et de muséisme. Il y a belle lurette que le "modernisme" est devenu une vieillerie, cultivée pour elle-même, et reposant souvent sur de simples plagiats qui ne sont admis que grâce au néo-analphabétisme du public (...). La culture passée n'est plus vivante dans une tradition, mais objet de savoir muséique et de curiosités mondaines et touristiques régulées par les modes." A la limite, cette situation a toujours existé et elle existera dans le futur. Il ne s'agit d'interdire nullement un système ou l'autre mais que ce qu'on appelle l'expression artistique puisse encore exister et qu'elle se prolonge. Gageons que la situation évolue et change rapidement à condition que les auteurs ou les producteurs fassent preuve d'une plus grande résistance.
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